eleve l'un de ses amis, elle esperait les placer tous, et devenir
leur Egerie. Elle voyait les perils auxquels etait expose cet ordre de
choses, qui lui etait devenu cher; elle recevait les hommes de tous les
partis, elle les entendait, et pouvait prevoir un choc prochain. Elle
etait genereuse, active; elle ne pouvait rester etrangere aux evenemens,
et il etait naturel qu'elle cherchat a user de son influence pour reunir
des hommes qu'aucun dissentiment profond n'eloignait. Elle reunissait
dans son salon les republicains, les constitutionnels, les clichyens;
elle tachait d'adoucir la violence des discussions, en s'interposant
entre les amours-propres, avec le tact d'une femme bonne et superieure.
Mais elle n'etait pas plus heureuse qu'on ne l'est ordinairement a
operer des reconciliations de partis, et les hommes les plus opposes
commencaient a s'eloigner de sa maison. Elle chercha a voir les membres
des deux commissions nommees pour repondre au dernier message du
directoire. Quelques-uns etaient constitutionnels, tels que Thibaudeau,
Emery, Simeon, Troncon-Ducoudray, Portalis; on pouvait par eux influer
sur la redaction des deux rapports, et ces rapports avaient une grande
importance, car ils etaient la reponse au cartel du directoire. Madame
de Stael se donna beaucoup de mouvement par elle et ses amis. Les
constitutionnels desiraient un rapprochement, car ils sentaient le
danger; mais ce rapprochement exigeait de leur part des sacrifices qu'il
etait difficile de leur arracher. Si le directoire avait eu des torts
reels, avait pris des mesures coupables, on aurait pu negocier la
revocation de certaines mesures, et faire un traite avec des sacrifices
reciproques; mais, sauf la mauvaise conduite privee de Barras,
le directoire s'etait conduit en majorite, avec autant de zele,
d'attachement a la constitution, qu'il etait possible de le desirer.
On ne pouvait lui imputer aucun acte arbitraire, aucune usurpation
de pouvoir. L'administration des finances, tant incriminee, etait le
resultat force des circonstances. Le changement des ministres,
le mouvement des troupes, les adresses des armees, la nomination
d'Augereau, etaient les seuls faits qu'on put citer comme annoncant
des intentions redoutables. Mais c'etaient des precautions devenues
indispensables par le danger; et il fallait faire disparaitre
entierement le danger, en rendant la majorite au directoire, pour avoir
droit d'exiger qu'il renoncat a ces precautions. Les cons
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