donc le lendemain gai et heureux; sa tristesse etait remplacee par un
sourire radieux: son pere et sa mere, heureux de cette transformation,
l'embrasserent avec tendresse; le pere lui demanda s'il irait au
chateau.
"Oui, papa, des que j'aurai dejeune; il me tarde de revoir M. le comte
et de remercier M. Jules de sa franchise."
XIII
LE REMORDS
Blaise se dirigea vers le chateau quand il crut Jules leve, habille
et pret a le recevoir. En entrant dans le vestibule et en montant
l'escalier, il fut surpris de ne pas voir de domestiques; c'etait
pourtant l'heure ou ils etaient tous occupes a faire les appartements.
En approchant de la chambre de Jules, il entendit un mouvement
extraordinaire et un bruit confus de voix qui s'entr'appelaient. Il
poussa la porte, entra et vit M. de Trenilly assis pres du lit de
Jules, qui paraissait en proie a une fievre violente, et qui parlait
avec une vivacite tenant du delire.
"Je ne veux pas que Blaise vienne, criait-il; non,... il dirait tout.
Chassez Helene; Blaise lui a tout raconte. Ne dites rien a papa... Je
vous ferai tous chasser... Ce pauvre Blaise, il est bon pourtant... Je
suis sur qu'il m'a pardonne,... il l'a dit... Je ne veux pas le voir,
j'ai honte; il sait que j'ai menti, menti, menti."
Et Jules retomba dans les bras de son pere desole; il ne dit plus
rien; il tournait la tete de tous cotes.
"J'ai mal, dit-il; j'ai mal... C'est Blaise!... c'est sa faute,...
c'est lui qui me dechire le cerveau... Aie, aie! qu'est-ce qu'il veut?
il ne dit pas..., mais je vois bien... il veut que je devienne comme
lui,... que je dise tout a papa, a tout le monde... Non, c'est
impossible,... impossible... Blaise, laisse-moi!... je ne peux pas,...
tu vois bien que je ne peux pas,... on saurait tout, tout... Quelle
honte!... Je ne peux pas."
Encore un silence, mais l'agitation ne cessait pas. Blaise restait a
la porte, tremblant, effraye, ne sachant pas s'il devait se montrer ou
s'en aller. M. de Trenilly attendait avec impatience le medecin qu'il
avait envoye chercher.
La veille, quand il etait rentre de chez Anfry, il n'avait rien dit a
Jules, dont l'inquietude augmentait d'heure en heure en voyant l'air
severe et preoccupe de son pere.
"Blaise a-t-il parle a papa? se demandait-il. Qu'a-t-il dit?"
Sa frayeur augmenta lorsque, le soir, en lui disant adieu, son pere,
pour la premiere fois de sa vie, refusa de l'embrasser et lui dit:
"Va te coucher, Jules, va; mais
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