te, je l'admire; il sera mon
modele et mon guide."
Le comte regarda avec attendrissement le pauvre Blaise, qui s'etait
rendormi dans un fauteuil, et dont la physionomie exprimait si bien
le calme d'une bonne conscience. Il se leva, se placa pres du lit de
Jules, et contempla avec une penible emotion son visage contracte et
agite.
"Mon Dieu, dit-il, rendez-le semblable au pieux et sage Blaise, et
pardonnez-moi de l'avoir si mal eleve. Que je sois seul puni, et que
mon fils soit epargne!"
Le comte resta longtemps pres de Jules, suivant avec anxiete ses
moindres mouvements, pret a se cacher a son premier reveil. Jules
dormit longtemps encore; evidemment il etait mieux. Il s'eveilla
enfin, ouvrit les yeux et poussa un faible cri qui fit sauter Blaise
de dessus son fauteuil. Le comte s'etait retire et cache derriere le
rideau du lit.
"Blaise, Blaise, je crois que j'ai vu papa... J'ai reve sans doute,
ajouta-t-il en se soulevant et regardant de tous cotes... Je croyais
qu'il etait la... J'ai eu peur, bien peur.
BLAISE
Et pourquoi avoir peur de votre papa, mon bon monsieur Jules?
Croyez-vous qu'il aurait le coeur de vous gronder apres vous avoir vu
si malade?
JULES
Blaise, est-ce que j'ai dit quelque chose pendant ma maladie? Dis-moi
la verite! Qu'ai-je dit? Je me souviens que je parlais beaucoup.
BLAISE
Ecoutez, mon cher Monsieur Jules, ne vous effrayez de rien, ne
regrettez rien. Tout est pour le mieux. Pendant que vous etiez si mal,
que nous craignions de vous voir mourir, vous avez dit tout ce que
vous avez fait; vous avez tout raconte; votre papa pleurait, vous
embrassait, vous serrait dans ses bras et priait le bon Dieu de vous
sauver. Vous voyez bien qu'il ne vous en voulait pas.
--Tout le monde sait donc ce que je suis? dit Jules avec accablement.
BLAISE
Personne, Monsieur Jules, personne que votre papa et moi. Il n'y a que
nous deux qui approchions de vous.
JULES
Et papa sait tout! Comme il doit me mepriser!
--Jules, mon enfant cheri, s'ecria le comte, incapable de resister
plus longtemps au desir de le rassurer; Jules! je t'aime toujours;
plus qu'avant ta maladie, parce que je vois tes remords et que je t'en
estime davantage. Oh! Jules! mon cher fils! le vrai coupable, c'est
moi, qui ne t'ai jamais parle du bon Dieu et qui t'ai donne un si
triste exemple. Jules! pardonne-moi, mon enfant; c'est ton pere qui a
besoin de pardon, parce qu'il est le vrai, le grand coupable!"
Jule
|