h oui! un garcon comme cela, quand il s'est implante pres d'un
homme riche et grand seigneur comme M. le comte, c'est fini; ca
n'en bouge plus... Est-ce croyable? M. le comte qui l'embrasse, qui
l'invite a dejeuner!
--Et c'est que M. Blaise le laisse faire! Il s'est laisse embrasser!
on aurait dit qu'il voulait rendre a M. le comte son gros baiser! Pour
un rien, il lui aurait saute au cou.
--La morale de tout cela, c'est que M. le comte l'a pris en gre, que
M. Jules en a fait autant, qu'il va etre le maitre a la maison et que
nous n'avons qu'a bien nous tenir et a tacher de nous en faire un ami.
Nous aurons par lui tout ce que nous voudrons, sans avoir l'air d'y
toucher.
--Bah! bah! ca ne va pas durer longtemps; tout ca n'est pas franc du
collier; l'annee derniere il fait cinquante infamies, et cette annee
le voila un sage! un saint! Nous allons voir d'ici a peu quelque tour
de M. Blaise, et il se fera chasser; ainsi soyons sur nos gardes; ne
nous decouvrons pas trop."
Comme ils allaient se separer pour retourner a leur ouvrage, Blaise
parut a la porte et dit que M. Jules demandait qu'on allat au village
chercher un demi-cent de jolies billes pour s'amuser.
"Tout de suite, mon petit Blaise; j'y vais dit un des gens. J'en
apporterai un cent.
--Non, non; un demi-cent, m'a dit M. Jules.
--Un demi-cent pour lui, un demi-cent pour toi, mon petit Blaise.
--Pas pour moi, Monsieur; je n'en veux pas; je n'aurais pas de quoi
les payer.
--Est-ce qu'on te demande de les payer, farceur! repondit le
domestique. On les portera sur le compte de M. Jules.
--Mais non, ce ne serait pas honnete; M. Jules me gronderait, et il
aurait raison.
--M. Jules ne le saura pas, nigaud.
--Il faut bien qu'il le sache, puisqu'elles seront sur son compte.
--Est-il innocent, celui-la? On ne les portera pas sur le compte de
M. Jules; si le cent a coute trois francs, on mettra: demi-cent de
billes, trois francs. Voila comme les tiennes seront payees par les
siennes.
--Ce que vous voulez me faire faire, Monsieur, est tout simplement un
vol. Je ne preterai jamais les mains a une friponnerie, quelque petite
qu'elle soit. Le bon Dieu me retirerait sa protection; c'est alors que
je serais malheureux et meprisable.
--Voyez-vous ce bel exces de vertu qui prend a monsieur Blaise! Tu as
oublie tes friponneries de l'annee derniere.
--Je n'ai pas commis de friponneries, repondit Blaise avec calme et
dignite. Le bon Dieu m'a toujou
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