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que des visages allonges les jours ou ils ne peuvent pretexter une
promenade extraordinaire pour te faire leur visite; il faudrait pour
leur rendre leur bonne humeur que M. Blaise fut toujours pres d'eux.
Je sais que ma fille est entrainee par son pere et par son frere a
faire comme eux. Cet etat de choses me contrarie et ne peut durer. Je
t'ai fait venir pour te dire que j'ai encore assez bonne opinion de ta
loyaute pour esperer etre obeie en t'interdisant toute demarche qui
pourrait te rapprocher de mes enfants; quant au comte, tu peux passer
ta vie a lui baiser les mains et lui faire des platitudes sans que je
m'en preoccupe aucunement; mais je ne veux pas de cette sotte amitie
de mes enfants pour un fils de portier et un petit intrigant. Si tu
veux obeir a la defense que je te fais, je m'occuperai de ton avenir;
je te ferai donner une bonne education, et je t'assurerai une rente
qui te mettra a l'abri de la pauvrete. Acceptes-tu?
--Madame la comtesse, je n'enfreindrai pas la defense que vous me
faites, quelque chagrin que j'en eprouve; je prierai M. le comte
de vouloir bien m'aider a suivre vos ordres. Quant a la pension, a
l'education et aux avantages que vous voulez bien me promettre, vous
me permettrez de tout refuser. Je n'ai besoin de rien; je ne veux pas
sortir de ma condition, ni mener la vie d'un paresseux; je gagnerai
mon pain comme a fait mon pere, et, avec l'aide du bon Dieu,
j'arriverai a la fin de ma vie sans avoir jamais vendu ni mon coeur ni
ma conscience. Je puis affirmer a madame la comtesse qu'elle se trompe
en pensant que j'ai intrigue pour gagner l'amitie de M. le comte et
de M. Jules. Je n'ai rien fait pour cela; c'est venu tout seul, je ne
sais comment, car je sens combien je suis loin de meriter les bontes
de M. le comte, de M. Jules et de Mlle Helene. Le bon Dieu a mene
tout cela. Peut-etre m'a-t-il donne tant d'amour pour eux afin de
m'eprouver et me donner le merite du sacrifice au moment de ma
premiere communion... Mais, je vous le promets, Madame la comtesse, je
ne verrai vos enfants qu'avec votre permission."
En achevant ces mots, le pauvre Blaise, qui avait reussi jusque-la a
conserver son sang-froid, fondit en larmes. Il voulut dire quelques
mots d'excuse, mais les paroles ne pouvaient sortir de ses levres.
Honteux de prolonger une scene dont la comtesse pouvait s'irriter,
Blaise prit le parti de s'en aller sans autre explication, et, saluant
a la hate, il s'avanca vers la port
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