LA COMTESSE
Tant mieux pour lui et surtout pour nous, car, sans connaitre les
offres que vous lui avez faites, je presume qu'elles etaient de nature
a ne pas etre agreees par moi.
LE COMTE
Julie, Julie! ce que vous dites est mal! Si vous saviez combien vous
me peinez profondement, combien vous blessez tous mes sentiments
paternels!
LA COMTESSE
Vos sentiments paternels vous ont toujours porte a gater vos enfants,
surtout Jules, que vous avez rendu odieux.
LE COMTE
En ceci vous avez raison, Julie; je l'avais rendu mechant et odieux;
Blaise l'a rendu bon et aimable.
LA COMTESSE
En verite! mais la maladie de Jules vous a fait perdre la raison; ne
me debitez donc pas de semblables sornettes.
--Mon Dieu, vous me punissez! je l'ai merite!" dit le comte avec un
geste de desolation en quittant la chambre.
La comtesse sonna sa femme de chambre, s'habilla, commanda qu'on
servit le diner et entra au salon avec l'air froid et calme qui lui
etait habituel.
Le diner fut silencieux et grave; l'air triste du comte troubla
et inquieta les enfants. Le repas fini, Jules demanda a son pere
l'execution de sa promesse. Le comte l'embrassa et sortit apres lui
avoir dit a l'oreille:
"Sois prudent, mon Jules; menage ta mere."
Peu de minutes apres, les portes s'ouvrirent, et tous les gens de la
maison entrerent a la suite du comte, qui avait Blaise a ses cotes. La
comtesse et Helene n'etaient pas revenues de leur etonnement, lorsque
Jules, pale et emu, s'approcha de Blaise, le prit par la main, l'amena
au milieu du salon et dit d'une voix haute, mais tremblante d'emotion:
"Mes amis, je vous ai tous fait venir ici avec l'approbation de papa,
pour reparer autant qu'il est en moi l'injustice dont je me suis rendu
coupable depuis deux ans envers mon pauvre Blaise...
--Monsieur Jules, Monsieur Jules! de grace! interrompit Blaise d'un
air suppliant.
--Laisse-moi achever, Blaise! Laisse-moi, pour le repos de ma
conscience, pour la satisfaction de mon coeur, dire ici devant maman,
devant Helene, devant tous, combien je les ai mechamment, indignement
trompes sur ton compte; j'ai tourne contre toi toutes tes bonnes
actions; je t'ai toujours calomnie, injurie! Tu m'as toujours
noblement et genereusement pardonne. Au lieu de te justifier en
m'accusant, tu t'es laisse perdre de reputation dans la maison et dans
le pays. Helene est la seule qui t'ait rendu justice; elle a toujours
pris parti pour toi, c'est-a-dire pou
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