armes se faisaient jour a
travers ses doigts crispes, et venaient retomber sur la tete de Blaise
a genoux pres de lui.
"Mon Dieu, disait Blaise en lui-meme, consolez ce pauvre M. le comte;
mon Dieu, vous etes si bon! pardonnez a ce pauvre M. Jules, donnez-lui
le repentir de ses fautes, non pas le repentir qui le desole, mais le
repentir qui console et qui rend meilleur. Rendez-lui la connaissance
afin qu'il puisse decharger son coeur en avouant les fautes qui
l'oppressent. Mon Dieu, ne le laissez pas mourir sans pardon; votre
pardon a vous, bon et misericordieux Jesus, le pardon de son pauvre
pere qu'il a gravement trompe et offense. Pour moi, mon bon Dieu, vous
savez que je lui ai pardonne depuis bien longtemps, des que l'offense
etait commise. Mais vous, mon Dieu, notre pere a tous, pardonnez-lui,
il se repent."
Cette priere de ce pieux et noble coeur ne devait pas etre repoussee.
Dieu l'accueillit dans sa misericorde, et Jules devait etre sauve; sa
guerison devait etre complete, comme on le verra, mais elle se fit
attendre; le pere devait expier par ses angoisses les torts de sa
faiblesse. Dieu permit que la maladie de Jules fut longue et cruelle.
Quand le medecin arriva, il declara, apres un examen prolonge et
intelligent, que Jules etait atteint d'une fievre cerebrale. Apres
avoir entendu quelques phrases qui decelaient une conscience troublee,
il recommanda que le malade ne fut soigne que par les deux personnes
qui preoccupaient constamment son imagination frappee, afin qu'au
premier retour de raison il ne vit que ces deux personnes, et qu'il ne
put pas craindre d'avoir ete entendu par d'autres. Il ordonna ensuite
de frequentes applications de sinapismes aux pieds, aux chevilles, aux
mollets, aux cuisses; il ordonna des boissons rafraichissantes, de
l'air dans la chambre, diete absolue, une demi-obscurite et pas de
bruit.
La journee fut terrible; d'un accablement semblable a la mort, Jules
passait a une agitation et a un flot de paroles accusatrices; il
apprit ainsi a son malheureux pere toute la noirceur de son ame. Le
repentir que Jules temoignait de plus en plus adoucissait un peu le
coup terrible porte a son amour et a son amour-propre de pere. Plus il
decouvrait l'iniquite de Jules, plus il aimait et admirait la charite,
la bonte si chretienne de Blaise. Dix fois par jour il le serrait
contre son coeur, il l'arrosait de ses larmes, et lui redemandait
pardon pour Jules et pour lui-meme. Blaise baisait
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