egarder de tous cotes, je ne le vois pas
parmi les gens de la maison.
--Tu le verras ce soir; il doit venir apres diner.
--Ah! il vient donc au chateau, maintenant?
--Oui, quelquefois", dit Jules en souriant.
Ce sourire attira l'attention d'Helene; ce n'etait pas le sourire
moqueur et mechant d'autrefois, mais un sourire doux et bon qu'elle
n'avait jamais vu a son frere. Elle remarqua alors combien Jules etait
embelli et le changement qu'avait subi toute sa personne et surtout sa
physionomie.
"Qu'as-tu donc aujourd'hui? Je ne t'ai jamais vu ainsi. Tu as l'air
tout autre.
--La maladie change, repondit Jules avec gravite.
--Et puis,... et puis... tu vas bientot faire ta premiere communion,
dit Helene avec hesitation.
JULES
Oui, Helene, et tu m'aideras a la faire dignement; je compte pour cela
sur toi, ma chere soeur, et aussi sur un ami que je te presenterai ce
soir.
HELENE
Un ami? Qui donc? Y a-t-il de nouveaux voisins dans le pays?
JULES
Non, rien n'est change dans le voisinage: c'est dans mon coeur que
s'est fait le changement.
HELENE
Mon bon Jules, que je suis contente de te voir comme tu es
maintenant!"
Pendant que le frere et la soeur causaient et arrangeaient la chambre
d'Helene, M. de Trenilly avait emmene sa femme et lui racontait la
terrible maladie de Jules, les penibles revelations qui en avaient ete
la consequence, le changement qui s'etait opere dans l'ame de Jules
et dans la sienne propre, les services immenses que leur avait rendus
Blaise, la bonte, la piete admirable de cet enfant, et l'impression
que ses vertus avaient produite sur le coeur de Jules et sur le sien.
Mme de Trenilly fut surprise de tout ce que lui disait son mari,
sembla mecontente de n'avoir pas su le danger qu'avait couru son fils,
et se montra incredule quant aux vertus extraordinaires de Blaise.
"Le chagrin et l'inquietude, dit-elle, ont dispose votre coeur a
l'attendrissement et a la credulite; le petit bonhomme, qui n'est
pas bete, en a profite pour vous fasciner et s'impatroniser dans la
maison. J'espere que tout cela va finir avec mon retour, et que chacun
reprendra sa place.
LE COMTE
Vous m'affligez beaucoup, ma chere, par cette froideur et cette
injustice. Le pauvre Blaise, bien loin d'abuser et meme d'user de son
ascendant sur moi et sur Jules, a refuse les offres avantageuses que
nous lui avons faites, et se tient dans une reserve dont peu d'hommes
faits eussent ete capables.
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