on monsieur Jacques, pour que je n'oublie jamais aucun de
mes devoirs et que je m'oublie toujours pour me devouer aux autres;
priez pour que je ne conserve aucun souvenir du mal qu'on me fait, et
que je n'oublie jamais les bienfaits que je recois. On a trompe votre
papa en lui disant que le comte de Trenilly etait mechant; il est bon
comme le meilleur des hommes; je l'aime comme s'il etait mon pere. Son
fils, M. Jules, est excellent aussi, ainsi que sa fille, Mlle Helene.
M. Jules et moi, nous ferons notre premiere communion dans trois
semaines, le 8 septembre, fete de la sainte Vierge. M. le comte et
Mlle Helene nous ont promis de communier avec nous ce jour-la, ce qui
vous prouve combien ils sont reellement bons et pieux. Je suis tres
heureux, mon bon Monsieur Jacques, heureux de tout ce que le bon Dieu
veut bien m'envoyer, des peines comme de la joie. Papa et maman vous
remercient bien de votre bon souvenir, et vous presentent leurs
respects et leurs amities. Quant a moi, Monsieur Jacques, je sais bien
que ma position me defend de vous embrasser, mais je puis me permettre
de vous assurer que je vous aime de l'affection la plus tendre et la
plus devouee.
"Votre humble et obeissant serviteur,
"BLAISE ANFRY."
A peine Blaise avait-il fini et lu tout haut sa lettre, qu'un
domestique entra chez Anfry.
"Mme la comtesse demande Blaise.
--Moi? Mme la comtesse me demande? repeta Blaise fort etonne.
--Oui, oui, et tout de suite encore. "Allez me chercher Blaise,
m'a-t-elle dit, et amenez-le-moi le plus vite possible."
--Qu'est-ce que cela veut dire? dit Anfry avec inquietude. Vas-y, mon
Blaisot; va, tu ne peux faire autrement,... et reviens vite nous dire
ce qui se sera passe, car je ne suis pas tranquille.
--Ne vous tourmentez point, papa; que voulez-vous qui m'arrive? Et
quand meme il m'arriverait des choses penibles, le bon Dieu n'est-il
pas la pour me proteger, me secourir, et ne dois-je pas etre heureux
de me conformer a sa volonte? Au revoir, papa; je resterai le moins
que je pourrai."
Blaise partit gaiement et se depecha d'arriver pour etre plus
vite revenu. On le fit entrer immediatement chez la comtesse, qui
l'attendait avec impatience. Il salua; la comtesse lui fit un petit
signe de tete, renvoya le domestique, s'assit et dit a Blaise, d'un
air froid et hautain:
"Je sais que tu as profite de mon absence pour t'emparer de l'esprit
de mon mari et de mon fils; tu as reussi on ne peut mieux; je ne v
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