beaucoup cru a ces histoires. Nous connaissons bien M.
Jules et de quoi il est capable.
--Il est certain qu'il est mauvais et mechant, que c'en est repugnant.
--Et M. le comte! Il n'est pas deja si bon non plus. Est-il
orgueilleux!
--Et severe! et dur! et desagreable! et exigeant!
--Et voila ce qui m'etonne dans ce que nous raconte Adrien! Comment
aurait-il embrasse le petit du concierge?
--Comment et pourquoi, nous n'en savons rien, mais ce qui est certain,
c'est qu'il l'a fait. Attention a nous et soyons polis et meme
aimables pour ce nouveau favori.
--Oh! d'abord, moi, je ne lui ai jamais rien fait, a ce gamin.
--Toi, allons donc! c'est toi qui l'as barbouille de cirage le jour du
cerf-volant.
--Tiens, et toi, tu lui as verse de l'eau sale plein la tete.
--C'est bon, c'est bon; ne parlons plus de cela, mes amis, et soyons
prudents a l'avenir. De la politesse, des egards.
--D'abord, moi je lui donnerai du cafe tant qu'il en voudra.
--Et moi des liqueurs!
--Et moi des sucreries!
--Et moi donc qui suis le chef, je lui donnerai a emporter chaque jour
_les restes_ du diner. On sait bien ce que sont _les restes_ d'une
cuisine pour les amis; de quoi nourrir toute la famille et largement.
--Ha! ha! ha! Oui, ils sont droles vos restes. L'autre jour un gigot
entier a la petite Lucie, la repasseuse. Hier un gateau pas seulement
entame a la bouchere. Ce matin, une livre de beurre a la voisine.
--Tu n'as pas besoin de crier si haut, dit le chef avec humeur. Tu as
bien porte, l'autre jour, un panier de vin au village!
--Tiens, je crois bien, c'etait pour faire honneur au repas que
donnait l'epicier."
La sonnette qui se fit entendre mit fin a cette conversation intime;
un des domestiques se precipita pour repondre a l'appel.
"Monsieur le comte a sonne? dit-il en ouvrant avec precaution la porte
de Jules.
--Oui, apportez-moi a dejeuner pour deux! Blaise dejeune avec moi.
--Oui, Monsieur le comte; tout de suite."
Cinq minutes apres, le domestique apportait une petite table avec
deux couverts, une volaille froide, du jambon, du beurre frais et des
fruits.
LE COMTE
Allons, Blaise, mettons-nous a table, c'est la premiere fois que je
mangerai avec appetit depuis la maladie de mon pauvre Jules.
BLAISE
Monsieur le comte est bien bon: je viens de dejeuner, je n'ai pas
faim.
LE COMTE
Qu'as-tu mange a ton dejeuner?
BLAISE
Du pain et du fromage, Monsieur le comte, comme d'hab
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