a genoux pres de son fils; aucun des deux ne l'entendit entrer. La
comtesse resta quelques minutes incertaine de ce qu'elle ferait; apres
quelque hesitation, elle referma doucement la porte et se retira toute
pensive dans sa chambre.
"Ils sont fous, se dit-elle; cette maladie de Jules a positivement
altere leur raison... Je ferai venir mon medecin un de ces jours et
je les ferai soigner... Helene aussi tourne a la bizarrerie. Ne me
parlait-elle pas l'autre jour du bonheur de la vie religieuse? Ils
vont achever de lui faire perdre l'esprit... Si je pouvais les
empecher de la voir, mais c'est impossible!... Un pere et un frere!...
Il y aurait bien un moyen!... Ce serait de l'emmener faire un voyage
en Suisse... Oui... Mais il faut attendre la premiere communion de
Jules; je ne puis m'en aller avant."
Et la comtesse se coucha avec la resolution de prendre patience, de
laisser faire jusqu'apres la premiere communion, et ensuite d'enlever
Helene a cette influence qu'elle croyait facheuse.
Le comte emmena le lendemain ses enfants pour voir Blaise. Ils
entrerent chez Anfry.
"C'est singulier que Blaise ne nous ait pas vus arriver, dit le comte.
Il aurait du penser que nous viendrions chez lui, puisqu'il ne peut
pas venir chez nous."
Mais Blaise n'y etait pas. Le comte appela Anfry, qui travaillait au
jardin.
LE COMTE
Ou est Blaise? Serait-il deja sorti?
ANFRY
Il y a longtemps, monsieur le comte.
LE COMTE
Ou est-il alle?
ANFRY
A l'eglise, monsieur le comte. Il a passe une triste nuit, et il a ete
chercher sa consolation pres du bon Dieu; c'est assez son habitude,
vous savez.
LE COMTE
Allons le rejoindre, mes enfants; nous aussi, nous avons besoin de
force et de consolations."
Le comte salua Anfry et se dirigea vers l'eglise, qui se trouvait pres
de la. Ils y entrerent sans bruit, s'agenouillerent dans un banc et
apercurent Blaise a genoux sur la dalle, la tete dans les mains et
paraissant ne rien voir ni entendre. Ils attendirent longtemps un
mouvement qui indiquat qu'il avait termine sa fervente priere, mais
Blaise ne bougeait pas; il ne calculait pas le temps quand il priait.
Enfin, il laissa retomber ses mains, releva lentement la tete et dit a
mi-voix: "Oui, mon Dieu, mon bon Jesus, mon cher Sauveur, j'obeirai;
je ferai le sacrifice, je ne chercherai plus a les voir qu'a de rares
intervalles; je mettrai dans mes paroles, dans mes actions, la reserve
d'un serviteur vis-a-vis de ses ma
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