le disait qu'elle le refaisait, elle-meme chaque jour, de grand
matin, en s'eveillant, parce qu'elle ne pouvait dormir que dans un lit
dresse a sa guise. Le soir, aussitot qu'Elsie quittait le salon en
compagnie de sa bonne qui couchait aupres d'elle, miss Barbara se
retirait avec empressement dans le pavillon qu'elle avait choisi et
demande pour logement, et on assurait qu'on y voyait de la lumiere
jusqu'au jour. On pretendait meme que, la nuit, elle se promenait avec
une petite lanterne en parlant tout haut avec des etres invisibles.
La bonne d'Elsie en disait tant, qu'un beau soir, Elsie eprouva un
irresistible desir de savoir ce qui se passait chez sa gouvernante et
de surprendre les mysteres du pavillon.
Mais comment oser aller la nuit dans un pareil endroit? Il fallait
faire au moins deux cents pas a travers un massif de lilas que
couvrait un grand cedre, suivre sous ce double ombrage une allee
etroite, sinueuse et toute noire!
--Jamais, pensa Elsie, je n'aurai ce courage-la.
Les sots propos des bonnes l'avaient rendue peureuse. Aussi ne s'y
hasarda-t-elle pas. Mais elle se risqua pourtant le lendemain a
questionner Barbara sur l'emploi de ses longues veillees.
--Je m'occupe, repondit tranquillement la fee aux gros yeux. Ma
journee entiere vous est consacree; le soir m'appartient. Je l'emploie
a travailler pour mon compte.
--Vous ne savez donc pas tout, que vous etudiez toujours?
--Plus on etudie, mieux on voit qu'on ne sait rien encore.
--Mais qu'est-ce que vous etudiez donc tant? Le latin? le grec?
--Je sais le grec et le latin. C'est autre chose qui m'occupe.
--Quoi donc? Vous ne voulez pas le dire?
--Je regarde ce que moi seule je peux voir.
--Vous voyez quoi?
--Permettez-moi de ne pas vous le dire; vous voudriez le voir aussi,
et vous ne pourriez pas ou vous le verriez mal, ce qui serait un
chagrin pour vous.
--C'est donc bien beau, ce que vous voyez?
--Plus beau que tout ce que vous avez vu et verrez jamais de beau dans
vos reves.
--Ma chere miss Barbara, faites-le-moi voir, je vous en supplie!
--Non, mon enfant, jamais! Cela ne depend pas de moi.
--Eh bien, je le verrai! s'ecria Elsie depitee. J'irai la nuit chez
vous, et vous ne me mettrez pas dehors.
--Je ne crains pas votre visite. Vous n'oseriez jamais venir!
--Il faut donc du courage pour assister a vos sabbats?
--Il faut de la patience et vous en manquez absolument.
Elsie prit de l'humeur et parla d'aut
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