et je pus bien vite me rendre compte combien il etait aime et
populaire. Chez plusieurs engages, appartenant a d'autres escadrons,
jeunes bourgeois riches qui ne voyaient la haute societe aristocratique
que du dehors et sans y penetrer, la sympathie qu'excitait en eux ce
qu'ils savaient du caractere de Saint-Loup se doublait du prestige
qu'avait a leurs yeux le jeune homme que souvent, le samedi soir, quand
ils venaient en permission a Paris, ils avaient vu souper au Cafe de la
Paix avec le duc d'Uzes et le prince d'Orleans. Et a cause de cela, dans
sa jolie figure, dans sa facon degingandee de marcher, de saluer, dans
le perpetuel lance de son monocle, dans "la fantaisie" de ses kepis trop
hauts, de ses pantalons d'un drap trop fin et trop rose, ils avaient
introduit l'idee d'un "chic" dont ils assuraient qu'etaient depourvus
les officiers les plus elegants du regiment, meme le majestueux
capitaine a qui j'avais du de coucher au quartier, lequel semblait, par
comparaison, trop solennel et presque commun.
L'un disait que le capitaine avait achete un nouveau cheval. "Il peut
acheter tous les chevaux qu'il veut. J'ai rencontre Saint-Loup dimanche
matin allee des Acacias, il monte avec un autre chic!" repondait
l'autre, et en connaissance de cause; car ces jeunes gens appartenaient
a une classe qui, si elle ne frequente pas le meme personnel mondain,
pourtant, grace a l'argent et au loisir, ne differe pas de
l'aristocratie dans l'experience de toutes celles des elegances qui
peuvent s'acheter. Tout au plus la leur avait-elle, par exemple en ce
qui concernait les vetements, quelque chose de plus applique, de plus
impeccable, que cette libre et negligente elegance de Saint-Loup qui
plaisait tant a ma grand'mere. C'etait une petite emotion pour ces fils
de grands banquiers ou d'agents de change, en train de manger des
huitres apres le theatre, de voir a une table voisine de la leur le
sous-officier Saint-Loup. Et que de recits faits au quartier le lundi,
en rentrant de permission, par l'un d'eux qui etait de l'escadron de
Robert et a qui il avait dit bonjour "tres gentiment"; par un autre qui
n'etait pas du meme escadron, mais qui croyait bien que malgre cela
Saint-Loup l'avait reconnu, car deux ou trois fois il avait braque son
monocle dans sa direction.
--Oui, mon frere l'a apercu a "la Paix", disait un autre qui avait passe
la journee chez sa maitresse, il parait meme qu'il avait un habit trop
large et qui ne tombait p
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