temps, sans y reussir, de l'arracher a cet etat douloureux.
Enfin, relevant la tete, et attachant sur son ami de longs regards
melancoliques:
"Croyez-vous, cher Max, dit-elle d'une voix alteree, qu'il y ait un Dieu?"
Destroy l'examina avec etonnement.
"Oui, fit-il, je le crois.
--Et apres la mort, pensez-vous qu'il y ait quelque chose?"
L'etonnement de Max devenait de la stupeur.
"Je ne saurais concevoir, dit-il, comment perirait l'ame d'un corps qui ne
doit subir qu'une transformation.
--Ainsi, il se pourrait qu'il y eut des chatiments?"
La question etait embarrassante; en trois mots, Rosalie en disait plus
qu'il n'en faut pour deconcerter mille sages personnes qui ne sont point
penetrees de la science peremptoire des theologiens. Destroy balanca a
repondre. De l'air d'un homme que la crainte des sarcasmes intimide:
"Je crois, dit-il enfin, qu'il est des lois morales comme il en est de
physiques; et, de meme que, si ces dernieres etaient troublees, il en
resulterait infailliblement un desastre, je suis convaincu qu'on ne peut
enfreindre les autres sans qu'il s'ensuive, dans le monde de l'esprit, un
malaise qui, pour cesser, exige une expiation.
--Mais enfin cette expiation est-elle individuelle? dit Rosalie de plus en
plus inquiete.
--En meme temps qu'elle est individuelle, repartit Max, tous les hommes en
souffrent a un degre quelconque. Rives a la meme planete, englobes dans la
meme atmosphere, quoi que nous fassions, notre solidarite en toutes choses
est permanente et fatale, dans les joies comme dans les douleurs, dans les
bonnes actions comme dans les mauvaises.
--Tout cela ne me dit pas ce que je voudrais savoir, fit Rosalie avec une
sorte d'impatience. Moi, par exemple, en supposant que j'aie commis de
grandes fautes, souffrirai-je apres ma mort?
--Est-il donc si ridicule de penser, repliqua Destroy, qu'au cas ou la
somme de vos douleurs ne sera pas adequate a celle de vos peches, vous
rajeunirez dans la mort pour continuer l'expiation?
--Qu'importe! dit precipitamment Rosalie, si je perds le souvenir de ma
vie anterieure.
--En souffrirez-vous moins pour ignorer la raison de votre supplice? dit
Max. Au reste, reprit-il, dans l'existence qui embrasse ses crimes, il est
au moins douteux que l'homme ne subisse pas en partie son chatiment.
Admettez seulement qu'il ait une famille, la seule pensee de transmettre a
ses enfants un heritage de malheur n'est-elle pas suffisamment effroyabl
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