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trait. Il m'en demanda aussitot un second. En moins de quelques minutes, il but ainsi trois verres pleins. L'effet du narcotique fut rapide. Thillard, deja harasse, fut saisi d'un besoin irresistible de sommeil. Il se leva. "C'est singulier," fit-il, "mes paupieres se ferment malgre moi.--Si vous voulez faire un somme sur le lit?" lui dis-je d'une voix ferme. Il hesita: la salete du lit lui causait de la repugnance. Mais la lassitude triompha bientot de sa delicatesse. "Au moins," dit-il en baillant et en se frottant les yeux, "n'oubliez pas, coute que coute, de m'eveiller dans deux heures d'ici. Pour rien au monde je ne voudrais manquer la voiture. Vous m'accompagnerez." "Rosalie, dont j'entendais les dents claquer, arrangea le lit de son mieux. Thillard le recouvrit encore de son manteau et s'y etendit pour dormir tout de suite d'un lourd sommeil. Des aiguilles dans sa chair ne l'eussent certainement pas eveille. Je saisis sur-le-champ mon autre fiole, celle ou etait le poison, j'en brisai le goulot, puis la serrai dans ma main gauche, en appuyant fermement le pouce sur l'ouverture. Rosalie, changee en pierre, me regardait sans comprendre. Je m'approchai de Thillard. Des doigts de ma main libre je lui pincai doucement les narines et le contraignis peu a peu d'ouvrir la bouche. Des qu'elle fut beante, je lui versai l'acide dans la gorge. Il avala le contenu de la fiole d'une seule aspiration. En meme temps, je me reculai de quelques pas. "Le poison agit avec une promptitude foudroyante. Ce fut d'abord une violente secousse de tout le corps, puis des mouvements convulsifs effrayants. Il entr'ouvrit les yeux, agita les levres; mais il ne profera pas un son. Je redoutais des vomissements: il n'y en eut point. Quatre ou cinq minutes apres il ne remuait deja plus. Je m'approchai. Il etait sans pouls et sans respiration; une sueur visqueuse lui couvrait la peau; les muscles de la face etaient affaisses. Je le croyais deja mort, quand il s'agita de nouveau convulsivement. Mais c'etaient les derniers efforts de son agonie. La rigidite des membres m'avertit bientot qu'il n'etait plus reellement qu'un cadavre. "Avec une terreur combattue par la cupidite, je songeai alors a explorer les vetements de Thillard. Je m'imaginai, je ne sais pourquoi, que l'argent etait dans sa valise. En cherchant la clef de cette valise dans l'un de ses goussets, je mis la main sur une superbe montre et sur un porte-monnaie plein d'or. Je laissa
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