andirent sur son visage. Clement,
lui aussi, perdait soudainement sa gaiete. Il regardait cette scene, le
front plisse, les sourcils joints, l'air morne et plein d'inquietude. Max
comprenait d'autant moins ce qu'il voyait, que l'enfant, qui pouvait avoir
quinze mois, outre qu'il etait d'une beaute remarquable, paraissait, pour
son age, doue d'une force peu commune. Il avait les joues et les levres
roses, de grands yeux noirs, des sourcils arques qui semblaient dessines
avec un pinceau, et, par-dessus cela, d'epais cheveux bruns, soyeux et
boucles, qui rehaussaient encore la blancheur eclatante de son teint.
"Regarde!" fit tout a coup Rosalie d'une voix eteinte en presentant
l'enfant a son mari.
Clement le prit dans ses bras et considera attentivement ses traits. Il le
rendit presque aussitot a la mere avec des marques de doute et de terreur.
"Ton obstination n'est pas raisonnable, balbutia-t-il en detournant la
tete. Je te jure que tu te trompes."
Et il se mit a mesurer la chambre a grands pas.
"Il est bien mignon, disait la nourrice avec un attendrissement affecte.
On en fait ce qu'on veut. S'il ne rit jamais, il ne pleure pas non plus.
Quand il a ce qu'il lui faut, il ne bouge pas plus qu'un terme; on dirait
qu'il reflechit."
L'enfant, pendant ce temps-la, regardait alternativement son pere et sa
mere d'un air glacial et ajoutait ainsi a leurs angoisses. Clement parut
incapable de supporter plus longtemps le poids du regard de son fils.
"Voyons, la mere, dit-il d'un ton imperieux a la nourrice, prenez l'enfant,
tandis que nous irons faire un tour dans la foret."
Rosalie adressa a son mari un regard rempli de melancolie et de
decouragement.
"Bah! fit Clement en haussant les epaules. Sortons!..."
Durant la promenade, Clement, en apparence maitre de lui-meme, essaya
plusieurs fois de rompre un silence penible; mais ni Rosalie, plongee dans
une invincible prostration, ni Max, sous l'empire d'impressions puissantes,
ne le seconderent. Ce n'etait plus seulement l'etonnante pantomime de
Clement et de sa femme, a la vue de l'enfant, qui troublait Destroy; a
cela se joignaient, pour le bouleverser, les remarques que lui avait
suggerees l'observation attentive de ce meme enfant. Au fond de son
souvenir gisait une physionomie identique a celle du fils de Rosalie. Ou
l'avait-il vue? C'est ce qu'il ne pouvait se rappeler. Puis, cet enfant ne
ressemblait nullement ni a son pere ni a sa mere. Il n'avait pas seule
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