s jours ou, a cote de Rosalie, n'etaient admis a titre d'auditeurs
que Mme Ducornet et M. Durosoir, l'abbe Ponceau venait discretement
prendre un violoncelle et faire de la musique avec Mme Thillard et
Destroy. Outre cela, en l'absence du digne chanoine, a qui son caractere
interdisait des reunions plus nombreuses, Clement fondait, de quinzaine en
quinzaine, une soiree ou, avec l'aide de trois ou quatre musiciens
recrutes par Max, on executait toute sorte de musique de chambre.
L'execution, sans etre irreprochable, etait parfois assez bonne pour
satisfaire meme un juge difficile. Le nombre des auditeurs augmentait
insensiblement. Mme Thillard et sa mere, M. Durosoir, Destroy, Rodolphe et
quelques autres, formaient deja le noyau d'une societe qui allait se
developper et s'etendre jusqu'a faire la maison trop petite. Bien des
temoins desdites seances musicales ne se genaient pas pour en parler au
dehors. Dans le milieu ou avait precedemment vecu Clement, ou il avait ete
vilipende, regarde comme le plus abject des hommes, d'ou finalement il
avait ete ignominieusement repousse, chasse, circulaient mille details a
sa louange qui y donnaient grandement a reflechir. Celui que, d'une voix
presque unanime, on avait ete jusqu'a proclamer un miserable passible de
la cour d'assises depouillait peu a peu, aux yeux memes de ses plus
implacables accusateurs, ses souillures, ses sentiments crapuleux, ses
travers, ses vices, ses fautes, et cessait d'etre criminel et repugnant
pour devenir un personnage digne de consideration. Avec des gradations
menagees, pour sauvegarder les apparences, on allait actuellement a sa
rencontre. Il n'apercevait plus que des visages avenants et gracieux. Il
trouvait chaque jour quelque nouveau nom chez son concierge. On
l'accablait litteralement d'offres de service. Il ne devait pas tarder
enfin a etre effraye du chiffre de ses amis et a se voir contraint d'en
consigner la moitie a sa porte.
Cependant, la pauvre Rosalie ne se retablissait pas; sa vie continuait
d'etre une alternative reguliere de convalescences et d'agonies. Sur les
instances des deux epoux, quand Clement etait a son bureau, Destroy venait
la voir frequemment dans la journee. Il la trouvait quelquefois calme,
mais le plus souvent sous l'empire d'un morne accablement. Il fut un jour
bien surpris de l'objet de ses preoccupations. Son abattement etait plus
profond que de coutume; elle semblait la proie de reveries funebres. Max
essaya quelque
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