instruction
suivit...."
Le magistrat, a cet endroit, fit une pause pour reprendre haleine. Il
s'etablit un silence a faire supposer qu'un cauchemar oppressait toutes
les poitrines. On put du moins mesurer la vivacite de l'interet et de
l'impression que causait M. Durosoir.
"Mille francs, poursuivit-il, avaient disparu de l'armoire de la vieille
femme. Un sarrau en toile bleue, trouve sur le theatre du crime,
temoignait du passage de l'assassin et du voleur. Les deux voisins,
l'epicier et le patissier, mandes au parquet, donnerent le signalement
d'un individu aux allures suspectes, qui, dans l'etablissement, a l'heure
ou l'on decouvrait le cadavre, elevait la voix et demandait d'un ton
brutal _si on ne lui donnerait pas bientot a manger_. Les temoins, a qui
cet homme etait inconnu, avaient tous deux ete frappes de la durete de ses
traits et de son accoutrement. Sa casquette en velours jaunatre, a cotes,
sa veste en drap roux, son pantalon a raies, etaient encore devant leurs
yeux. Ce signalement fut transmis aux agents de la police de surete, qui,
sans perdre un instant, se mirent en campagne.
"Dissemines dans les cabarets du voisinage, ils ne tardaient pas a mettre
la main sur un individu exactement semblable a celui qu'on leur avait
signale. Les temoins, avec qui il fut confronte, crurent en effet le
reconnaitre, mais non sans faire quelques reserves. Il marqua au reste une
extreme surprise, se defendit energiquement du crime dont on le
soupconnait, et se montra parfaitement rassure sur les suites de
l'affaire. Toutes ses reponses furent precises, categoriques. Il
s'appelait Bannes, il etait marie, il travaillait chez un corroyeur,
demeurait rue des Noyers. Une descente eut lieu dans son domicile. Tout y
respirait l'aisance. On n'y trouva de suspect qu'une somme de quatre cents
et quelques francs cachee sous le linge d'un tiroir. La femme, d'abord
emue de ces perquisitions, repondit toutefois sans balancer que cet argent
representait leurs economies. Bannes fit une reponse identique. En meme
temps que des agents, repandus dans les environs, prenaient des
renseignements sur les deux epoux, le patron de Bannes etait questionne,
et l'on apprenait, d'une part, que ceux-ci vivaient dans l'abondance,
qu'ils ne se refusaient rien, payaient tout comptant; de l'autre, que
Bannes travaillait tout au plus quatre jours par semaine et gagnait au
maximum quatre fr. par jour. Il etait donc au moins surprenant qu'il eut
realise
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