ous avoir embrasse maternellement de tout mon
coeur.
G. SAND.
Ah! j'oubliais de vous parler de l'Academie. Je ne sais pas pourquoi on
m'a mise au concours, ni pourquoi on ne m'a pas _couronnee_, ni pourquoi
on m'eut couronnee. Entre cet areopage et moi, il y a un monde inconnu
de considerants, de _mais_, de _si_, de _parce que_ et de _quoique_
auquel je n'entends et n'entendrai jamais rien. La conclusion, c'est que
tout ca m'est egal et que je vis dans une planete tres gentille, toute
en fleurs, en reves, ou j'ai souffert, pleure, aime et beni le bon Dieu,
en somme; et ou jamais on n'a entendu parler d'Academie ni de chagrins
litteraires. Vous comprenez bien ca, vous, mon enfant.
CDLXXXII
A MADAME PAULINE VILLOT, A PARIS
Nohant, 11 juin 1861.
Chere cousine,
Je suis a Nohant, bien contente de retrouver ma vieille maison
tranquille, et d'avoir vu, en courant, une partie de la Savoie, un
des plus beaux pays que je sache. Vous me donnez de grands regrets de
n'avoir pas attendu notre ami, mais je ne pouvais plus retarder mon
depart. Je vous envoie une lettre pour lui, puisque vous avez la bonte
de vous en charger et que vous savez ou le prendre.
J'aurais bien voulu l'entendre dire les belles choses qui vous ont
charmee; car j'aime a ecouter, et, avec lui, on a tout profit. Son
succes parlementaire a etonne bien des gens qui se faisaient de lui une
fausse idee; mais ce n'est ni vous, ni moi, ni aucun de ceux qui l'ont
entendu causer, qui ont pu etre surpris de la force de son raisonnement
et du charme de sa parole. Il y a en lui de grandes facultes, de grandes
qualites et de grandes seductions. Pourquoi une entrave inconnue, venant
d'ailleurs, ou de quelques acces de secret decouragement, rend-elle si
rare pour lui l'occasion de frapper de grands coups? Je ne sais quelle
chaine engage souvent ce puissant et genereux esprit. Cela se perd pour
moi dans la nuit des considerations politiques. Quel malheur pour lui
et pour la France qu'il ne soit pas un simple publiciste ou un orateur
libre de parler en toute occasion!
J'arrive chargee de plantes qui feront, j'espere, le bonheur de Lucien,
si ce petit gueux persevere dans la botanique. J'ai un immense rangement
a faire dans mes herbes; mais il y en a un bien pire a faire dans la
maison. J'avais un affreux cabinet de travail qui me donnait le
spleen, on m'en fait un nouveau, tout simple mais bien propret, ou je
travaillera
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