e jalousie intellectuelle, il
n'osait s'en plaindre a Therese.
--Votre definition ne vaut rien, disait-elle. Palmer est trop calme et
trop parfait pour moi. J'ai un peu plus de feu, et je chante un peu plus
haut que lui. Je suis, relativement a lui, la note elevee de la tierce
majeure.
--Alors, moi, je ne suis qu'une fausse note, reprenait Laurent.
--Non, disait Therese, avec vous je me modifie et descends a former la
tierce mineure.
--C'est qu'alors avec moi vous baissez d'un demi-ton?
--Et je me trouve d'un demi-intervalle plus rapprochee de vous que de
Palmer.
III
Un jour, a la demande de Palmer, Laurent se rendit a l'hotel Meurice, ou
demeurait celui-ci, pour s'assurer que le portrait etait convenablement
encadre et emballe. On posa le couvercle devant eux, et Palmer y ecrivit
lui-meme avec un pinceau le nom et l'adresse de sa mere; puis, au moment
ou les commissionnaires enlevaient la caisse pour la faire partir, Palmer
serra la main de l'artiste en lui disant:
--Je vous dois un grand plaisir que va avoir ma bonne mere, et je vous
remercie encore. A present, voulez-vous me permettre de causer avec vous?
J'ai quelque chose a vous dire.
Ils passerent dans un salon ou Laurent vit plusieurs malles.
--Je pars demain pour l'Italie, lui dit l'Americain en lui offrant
d'excellents cigares et une bougie, bien qu'il ne fumat pas lui-meme, et
je ne veux pas vous quitter sans vous entretenir d'une chose delicate,
tellement delicate, que, si vous m'interrompez, je ne saurai plus trouver
les mots convenables pour la dire en francais.
--Je vous jure d'etre muet comme la tombe, dit en souriant Laurent, etonne
et assez inquiet de ce preambule.
Palmer reprit:
--Vous aimez mademoiselle Jacques, et je crois qu'elle vous aime.
Peut-etre etes-vous son amant; si vous ne l'etes pas, il est certain pour
moi que vous le deviendrez. Oh! vous m'avez promis de ne rien dire. Ne
dites rien, je ne vous demande rien. Je vous crois digne de l'honneur que
je vous attribue; mais je crains que vous ne connaissiez pas assez Therese,
et que vous ne sachiez pas assez que, si votre amour est une gloire pour
elle, le sien en est une egale pour vous. Je crains cela a cause des
questions que vous m'avez faites sur elle, et de certains propos que l'on
a tenus, devant nous deux, sur son compte, et dont je vous ai vu plus emu
que moi. C'est la preuve que vous ne savez rien; moi qui sais tout, je
veux tout vous dire, afin qu
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