avait precisement besoin de l'enjouement
des autres: alors le sien se mettait peu a peu de la partie, et sa gaiete
sans eclat n'etait pas sans charme.
Il resultait donc de cette habitude de bonne humeur ou l'on se maintenait,
que l'amour, chapitre sur lequel Therese ne plaisantait jamais et n'aimait
pas que l'on plaisantat devant elle, ne trouvait pas un mot a glisser, pas
une note a faire entendre.
Un beau matin, le portrait de M. Palmer se trouva termine, et Therese
remit a Laurent, de la part de son ami, une jolie somme que le jeune homme
lui promit de mettre en reserve pour le cas de maladie ou de depense
obligatoire imprevue.
Laurent s'etait lie avec Palmer en faisant son portrait. Il l'avait trouve
ce qu'il etait: droit, juste, genereux, intelligent et instruit. Palmer
etait un riche bourgeois dont la fortune patrimoniale provenait du
commerce. Il avait fait le trafic lui-meme et les voyages au long cours
dans sa jeunesse. A trente ans, il avait eu le grand sens de se trouver
assez riche et de vouloir vivre pour lui-meme. Il ne voyageait donc plus
que pour son plaisir, et, apres avoir vu, disait-il, beaucoup de choses
curieuses et de pays extraordinaires, il se plaisait a la vue des belles
choses et a l'etude des pays veritablement interessants par leur
civilisation.
Sans etre tres-eclaire dans les arts, il y portait un sentiment assez sur,
et en toutes choses il avait des notions saines comme ses instincts. Son
langage en francais se ressentait de sa timidite, au point d'etre presque
inintelligible et risiblement incorrect au debut d'un dialogue; mais,
lorsqu'il se sentait a l'aise, on reconnaissait qu'il savait la langue, et
qu'il ne lui manquait qu'une plus longue pratique ou plus de confiance
pour la parler tres-bien.
Laurent avait etudie cet homme avec beaucoup de trouble et de curiosite au
commencement. Lorsqu'il lui fut demontre jusqu'a l'evidence qu'il n'etait
pas l'amant de mademoiselle Jacques, il l'apprecia et se prit pour lui
d'une sorte d'amitie qui ressemblait de loin, il est vrai, a celle qu'il
eprouvait pour Therese. Palmer etait un philosophe tolerant, assez rigide
pour lui-meme et tres-charitable pour les autres. Par les idees sinon par
le caractere, il ressemblait a Therese, et se trouvait presque toujours
d'accord avec elle sur tous les points. Par moments encore, Laurent se
sentait jaloux de ce qu'il appelait musicalement leur imperturbable
_unisson_, et, comme ce n'etait plus qu'un
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