n amas de petites villes, et contribue a la faire
paroitre plus grande encore.
C'est a Burse que sont inhumees les seigneurs de Turquie (les sultans). On
y voit de beaux edifices, et surtout un grand nombre d'hopitaux, parmi
lesquels il y en a quatre ou l'on distribue souvent du pain, du vin et de
la viande aux pauvres, qui veulent les prendre pour Dieu. A l'une des
extremites de la ville, vers le ponent, est un beau et vaste chateau bati
sur une hauteur, et qui peut bien renfermer mille maisons. La est aussi le
palais du seigneur, palais qu'on m'a dit etre interieurement un lieu
tres-agreable, et qui a un jardin avec un joli etang. Le prince avoit alors
cinquante femmes, et souvent, dit-on, il va sur l'etang s'amuser en bateau
avec quelqu'une d'elles.
Burse etoit aussi le sejour de Camusat Bayschat (pacha), seigneur, ou,
comme nous autres nous dirions, gouverneur et lieutenant de la Turquie.
C'est un tres-vaillant homme, le plus entreprenant qu'ait le Turc, et le
plus habile a conduire sagement une enterprise. Aussi sont-ce
principalement ces qualites qui lui ont fait donner ce gouvernement.
Je demandai s'il tenoit bien le pays et s'il savoit se faire obeir. On me
dit qu'il etoit obei et respecte comme Amurat lui-meme, qu'il avoit pour
appointemens cinquante mille ducats par an, et que, quand le Turc entroit
en guerre, il lui menoit a ses depens vingt mille hommes; mais que lui, de
son cote, il avoit egalement ses pensionnaires qui, dans ce cas, etoient
tenus de lui fournir a leurs frais, l'un mille hommes, l'autre deux mille,
l'autre trois, et ainsi des autres.
Il y a dans Burse deux bazars; l'un ou l'on vend des etoffes de soie de
toute espece, de riches et belles pierreries, grande quantite de perles, et
a bon marche, des toiles de coton, ainsi qu'une infinite d'autres
marchandises dont l'enumeration seroit trop longue; l'autre ou l'on achete
du coton et du savon blanc, qui fait la un gros objet de commerce.
Je vis aussi dans une halle un spectacle lamentable: c'etoient des
chretiens, hommes et femmes, que l'on vendoit. L'usage est de les faire
asseoir sur les bancs. Celui qui veut les acheter ne voit d'eux que le
visage et les mains, et un peu le bras des femmes. A Damas j'avois vu
vendre une fille noire, de quinze a seize ans; on la menoit au long des
rues toute nue, "fors que le ventre et le derriere, et ung pou au-desoubs."
C'est a Burse que, pour la premiere fois, je mangeai du caviare [Footnote:
Cav
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