tout dire, il me faut ajouter que ce qui se passait en moi ne
ressemblait pas exactement a ce qu'on appelle le desir. C'etait une
de ces imaginations qui trouvent leur satisfaction en elles-memes. Je
n'aurais pas fait l'ombre d'un mouvement pour realiser ma folie. Non!
Toute cette saoulerie demeurait vautree dans l'ame et presque sans
rapport avec son objet. Une salete lache, cachee, solitaire.
... J'achevais la lettre a Lanoue quand une petite moulure de platre,
une de ces vagues fioritures qui ecumaient et deferlaient au pourtour du
plafond devint insensiblement cette belle meche blonde qui tremble et se
tord devant l'oreille de Marguerite quand elle coud, penchee sur son
ouvrage. Et toute la douce figure de Marguerite apparut au plafond, avec
ce regard qu'elle avait eu pour murmurer: "Oh! je sais bien que vous
etes bon".
Eh bien! Marguerite serait oubliee.
Marguerite! Deja! Mon reve haletait, comme un cheval force qui bute et
va s'abattre. Tout le sang de mon reve s'epuisait.
C'est alors que retentit la voix de Marthe. Je crois me rappeler qu'elle
disait une phrase des plus simples:
--Octave vous fait attendre. Il sera bien fache.
Toutes les images s'abimerent dans une nuee grise. Je me sentis
frissonnant, fatigue, triste, comme un homme qui vient d'etouffer ses
illusions sur un sopha d'hotel meuble. Cette faiblesse dans les jambes,
cette tete pleine de coton, ce coeur defaillant et, surtout, surtout,
une imperieuse envie de pleurer, de gemir.
Je me levai et passai dans l'antichambre.
La, je pris mon pardessus.
--Que faites-vous? dit Marthe, apparue sur le seuil de la cuisine. Vous
avez oublie quelque chose?
--Oui, j'ai oublie... j'ai oublie...
Le son de ma voix me parut si pitoyable que je dis pas un mot de plus.
J'ouvris la porte et me jetai dans l'escalier. Je vois encore le visage
etonne de Marthe avancer dans la penombre et se pencher sur la rampe.
Comme j'arrivais au premier etage, je me trouvai face a face avec
Lanoue. Il eut un bel et affectueux sourire pour me tendre la main.
--Octave, lui dis-je en m'ecartant, Octave, excuse-moi. Je ne reste pas
avec vous. Je ne peux pas rester. Je ne merite pas que l'on s'interesse
a moi.
Lanoue s'arreta, frappe de stupeur. Je l'aurais presque bouscule pour
gagner plus rapidement le dehors. Je descendis les dernieres marches en
bondissant. Je criais:
--Non, non, Octave, il ne faut pas m'aimer!
Comme je refermais la porte du vestibule, j'e
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