du Midi comme un nuage, s'en irait-il emporte par le vent qui
l'avait apporte? Tout le monde l'esperait, tout le monde le
desirait; de sorte que le ministre sentait qu'autour de lui tous
les hommages, toutes les courtisaneries recouvraient un fond de
haine mal deguisee sous la crainte et sous l'interet. Il se
sentait mal a l'aise, ne sachant sur quoi faire compte ni sur qui
s'appuyer.
M. le Prince lui-meme, qui combattait pour lui, ne manquait jamais
une occasion ou de le railler ou de l'humilier; et, a deux ou
trois reprises, Mazarin ayant voulu, devant le vainqueur de
Rocroy, faire acte de volonte, celui-ci l'avait regarde de maniere
a lui faire comprendre que, s'il le defendait, ce n'etait ni par
conviction ni par enthousiasme.
Alors le cardinal se rejetait vers la reine, son seul appui. Mais
a deux ou trois reprises il lui avait semble sentir cet appui
vaciller sous sa main.
L'heure de l'audience arrivee, on annonca au comte de La Fere
qu'elle aurait toujours lieu, mais qu'il devait attendre quelques
instants, la reine ayant conseil a tenir avec le ministre.
C'etait la verite. Paris venait d'envoyer une nouvelle deputation
qui devait tacher de donner enfin quelque tournure aux affaires,
et la reine se consultait avec Mazarin sur l'accueil a faire a ces
deputes.
La preoccupation etait grande parmi les hauts personnages de Etat
Athos ne pouvait donc choisir un plus mauvais moment pour parler
de ses amis, pauvres atomes perdus dans ce tourbillon dechaine.
Mais Athos etait un homme inflexible qui ne marchandait pas avec
une decision prise, quand cette decision lui paraissait emanee de
sa conscience et dictee par son devoir; il insista pour etre
introduit, en disant que, quoiqu'il ne fut depute ni de
M. de Conti, ni de M. de Beaufort, ni de M. de Bouillon, ni de
M. d'Elbeuf, ni du coadjuteur, ni de madame de Longueville, ni de
Broussel, ni du parlement, et qu'il vint pour son propre compte il
n'en avait pas moins les choses les plus importantes a dire a Sa
Majeste.
La conference finie, la reine le fit appeler dans son cabinet.
Athos fut introduit et se nomma. C'etait un nom qui avait trop de
fois retenti aux oreilles de Sa Majeste et trop de fois vibre dans
son coeur, pour qu'Anne d'Autriche ne le reconnut point; cependant
elle demeura impassible, se contentant de regarder ce gentilhomme
avec cette fixite qui n'est permise qu'aux femmes reines soit par
la beaute, soit par le sang.
-- C'est donc un
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