- Je vous l'avais dit, monsieur, et je suis fache maintenant
d'avoir si bien tenu ma parole. Puis-je vous etre bon a quelque
chose?
Chatillon fit un signe de la main; et Aramis s'appretait a
descendre, quand tout a coup il recut un choc violent dans le
cote: c'etait un coup d'epee, mais la cuirasse para le coup.
Il se tourna vivement, saisit ce nouvel antagoniste par le
poignet, quand deux cris partirent en meme temps, l'un pousse par
lui, l'autre par Athos:
-- Raoul!
Le jeune homme reconnut a la fois la figure du chevalier d'Herblay
et la voix de son pere, et laissa tomber son epee. Plusieurs
cavaliers de l'armee parisienne s'elancerent en ce moment sur
Raoul, mais Aramis le couvrit de son epee.
-- Prisonnier a moi! Passez donc au large! cria-t-il.
Athos, pendant ce temps, prenait le cheval de son fils par la
bride et l'entrainait hors de la melee.
En ce moment M. le Prince, qui soutenait M. de Chatillon en
seconde ligne, apparut au milieu de la melee; on vit briller son
oeil d'aigle et on le reconnut a ses coups.
A sa vue, le regiment de l'archeveque de Corinthe, que le
coadjuteur, malgre tous ses efforts, n'avait pu reorganiser, se
jeta au milieu des troupes parisiennes, renversa tout et rentra en
fuyant dans Charenton, qu'il traversa sans s'arreter. Le
coadjuteur, entraine par lui, repassa pres du groupe forme par
Athos, par Aramis et Raoul.
-- Ah! ah! dit Aramis, qui ne pouvait, dans sa jalousie, ne pas se
rejouir de l'echec arrive au coadjuteur, en votre qualite
d'archeveque, Monseigneur, vous devez connaitre les Ecritures.
-- Et qu'ont de commun les Ecritures avec ce qui m'arrive? demanda
le coadjuteur.
-- Que M. le Prince vous traite aujourd'hui comme saint Paul, la
premiere aux Corinthiens.
-- Allons! allons! dit Athos, le mot est joli, mais il ne faut pas
attendre ici les compliments. En avant, en avant, ou plutot en
arriere, car la bataille m'a bien l'air d'etre perdue pour les
frondeurs.
-- Cela m'est bien egal! dit Aramis, je ne venais ici que pour
rencontrer M. de Chatillon. Je l'ai rencontre, je suis content; un
duel avec un Chatillon, c'est flatteur!
-- Et de plus un prisonnier, dit Athos en montrant Raoul.
Les trois cavaliers continuerent la route au galop.
Le jeune homme avait ressenti un frisson de joie en retrouvant son
pere. Ils galopaient l'un a cote de l'autre, la main gauche du
jeune homme dans la main droite d'Athos.
Quand ils furent loin du champ de bat
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