e. Il
n'y a pas d'explication possible a leur donner; il y en aurait qu'il ne
faudrait pas en prendre la peine. Mais une prompte _bonne intelligence_
entre nous quatre, et Octave assis a notre table pendant une ou
plusieurs semaines, repondront victorieusement a tous les mauvais
commentaires.
Tu t'excuses de m'avoir cache ton sacrifice; car c'en etait un, Sylvia.
Je connais ton coeur; je sais ce que ton noble orgueil et ta paisible
fermete cachent de tendresse et de compassion; je sais que tu as du
pleurer les larmes d'Octave, et que tu ne l'as pas afflige sans dechirer
ton ame. Tu dis que ce que tu as de plus cher au monde, c'est moi.
Bonne Sylvia! ce que tu as de plus cher au monde, tu ne l'as pas encore
rencontre. Le rencontreras-tu jamais, et, si cela arrive, sera-ce pour
ton bonheur ou pour ton malheur?
Quant a Octave, je te supplie d'avoir beaucoup de douceur et de bonte
avec lui; il est bien assez a plaindre de ne pouvoir etre aime de toi;
epargne-lui les reproches. Pour moi, quelque etrange qu'ait ete son
procede en s'adressant a ma femme plutot qu'a moi, je lui temoignerai
l'amitie et l'estime qu'il merite. A demain donc! tu m'as sauve, Sylvia;
sans toi je partais, j'abandonnais Fernande; j'etais a jamais criminel
et malheureux. Pauvre Fernande! brave Sylvia! oh! je vais etre encore
bien heureux, je le sens. Et mes enfants que je croyais ne plus revoir
que dans cinq ou six ans, mes chers enfants que je vais couvrir de
douces larmes!
[Illustration: Elle etait jolie comme un ange avec ce costume.]
LII.
DE FERNANDE A CLEMENCE.
Pour le coup, mon amie, je ne puis ni me facher, ni m'affliger de ta
lettre; elle est burlesque, voila tout. Je suis tentee de croire que tu
es gravement malade, et que tu m'as ecrit dans l'acces de la fievre.
S'il en etait ainsi, je serais bien triste; et je souhaite me tromper,
d'autant plus que je ne voudrais pas perdre une si bonne occasion de
rire. L'immuable raison et l'auguste bon sens ont donc aussi leurs jours
de sommeil et de divagation! Chere Clemence, ton etat m'inquiete, et je
te conjure de presenter ton pouls au medecin.
Malgre tous tes beaux pronostics et tes obligeantes condamnations, rien
de ce que tu as prevu n'est arrive. Je ne suis pas plus amoureuse de M.
Octave que M. Octave n'est amoureux de moi. Nous nous aimons beaucoup et
tres-sincerement, il est vrai; mais je n'ai d'amour que pour Jacques,
et Octave n'a d'amour que pour Sylvia. Il la connaissait
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