st s'apaisera peut-etre comme le redoublement
d'une maladie. J'ai du consentir a l'amener ici, meme avec la conviction
que cela ne servirait a rien; j'ai du lui laisser la faculte de faire un
noble effort, et de mettre dans sa vie le souvenir d'un jour de vertu;
ce sera un remords de moins pour l'avenir, un droit de plus a mon
respect. Quand elle sera lasse de combattre, je ne leverai point le bras
pour l'achever, mais je le lui offrirai pour s'y reposer. Helas! si elle
savait combien je l'aime! Mais je me tais desormais; mon amour serait un
reproche, et je respecte sa souffrance. Insense que je suis! il y a des
instants ou je me flatte qu'elle va revenir a moi, et qu'un miracle va
s'accomplir pour me recompenser de tout ce que j'ai devore de douleurs
dans le cours de ma triste vie!
LXX.
DE SYLVIA A JACQUES.
Il faut que tu viennes me trouver; ta fille tombe dans un etat de
marasme qui fait des progres effrayants; amene quelque medecin plus
habile que ceux que nous avons ici. Si Fernande est reellement aussi
malade et aussi triste que tu le dis, cache-lui l'etat de sa fille;
et pourtant comment lui annoncerons-nous plus tard la verite, si mes
craintes se justifient? Fais ce que tu jugeras le plus prudent. La
laisseras-tu ainsi sans toi chez ces Borel? La soigneront-ils bien? Il
est vrai que sa mere va arriver au Tilly, a ce qu'elle me mande, et
qu'elle ira chez elle si elle veut; mais d'apres tout ce que tu m'as dit
de sa mere, c'est une mauvaise amie et un triste appui pour Fernande.
Ah! pourquoi nous sommes-nous quittes? cela nous a porte malheur.
Octave est parti pour Geneve; il a accompli aussi son sacrifice; que
peut-on lui demander de plus? J'ai vainement essaye d'adoucir son
chagrin par mon amitie; je me suis convaincue plus que jamais que
son ame n'est point grande, et que les petitesses de la vanite ou de
i'egoisme, je ne sais lequel des deux, en ferment l'entree aux idees
elevees et aux nobles sentiments. Croirais-tu qu'il a longtemps hesite a
savoir si j'avais l'intention de decouvrir ses secrets pour en abuser,
ou si j'etais sincere dans mon desir de le reconcilier avec lui-meme?
Croirais-tu qu'il a eu l'idee ridicule que je lui faisais des
coquetteries pour le ramener a mes pieds? Il me suppose ce vil et sot
amour-propre; il me croit occupee a ces calculs petits et meprisables,
quand mon coeur est brise de la douleur de Fernande et de la sienne,
quand je donnerais mon sang pour les guerir en les
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