mer.
J'ai essaye de le faire parler; j'esperais qu'en ouvrant son coeur et en
l'epanchant dans le mien, il se calmerait ou se penetrerait davantage de
la necessite d'etre fort; mais la force n'est pas dans l'organisation
d'Octave; et quand meme j'obtiendrais quelques nobles promesses, sa
resolution serait l'enthousiasme de quelques heures. Je le connais, et
le voyant aussi serieusement epris de Fernande, j'espere peu a present
qu'il la seconde dans ses genereux projets. Il est dans une agitation
effrayante; sa souffrance parait si vive et si profonde, que j'en suis
emue de compassion et que je pleure sur lui du fond de mon ame. Sois
indulgent et misericordieux, o mon Jacques! car ils sont bien a
plaindre. Je n'ai jamais ete dans cette situation, et je ne sais
vraiment pas ce que je ferais a leur place. Ma position independante,
mon isolement de toute consideration sociale, de tout devoir de famille,
sont cause que je me suis livree a mon coeur lorsqu'il a parle. Si j'ai
de la force, ce n'est pas a me combattre que je l'ai acquise; car je
n'en ai jamais eu l'occasion. L'idee de sacrifier une passion reelle et
profonde a ce monde que je hais me parait si horrible, que je ne m'en
crois pas capable. Il est vrai que les seuls devoirs reels de Fernande
sont envers toi; et ta conduite en impose de tels a tous ceux qui
t'aiment, qu'il ne doit plus y avoir un instant de bonheur pour ceux qui
te trahissent. Aide-la donc avec douceur a accomplir cet holocauste de
son amour; j'essaierai d'obtenir quelque chose de la vertu d'Octave;
mais il me ferme l'acces de son coeur, et je ne puis vaincre la
repugnance que j'eprouve a forcer la confiance d'une ame qui souffre,
fut-ce avec l'espoir de la guerir.
LXVIII.
D'OCTAVE A HERBERT.
Je suis dans un etat deplorable, mon cher Herbert; plains-moi et
n'essaie pas de me conseiller; je suis hors d'etat d'ecouter quoi que
ce soit. Elle a tout gate en me disant qu'elle m'aime; jusque-la, je
me croyais meprise; le depit m'aurait donne des forces; mais, en
me quittant, elle me dit qu'elle m'aime, et elle espere que je me
resignerai a la perdre! Non, c'est impossible; qu'ils disent ce qu'ils
voudront, ces trois etres etranges parmi lesquels je viens de passer un
an qui m'apparait comme un reve, comme une excursion de mon ame dans un
monde imaginaire! Qu'est-ce que la vertu dont ils parlent sans cesse? La
vraie force est-elle d'etouffer ses passions ou de les satisfaire? Dieu
nous les a-t-i
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