is le bien
et le mal qu'il me fait. Persuade-toi que c'est une maladie, et tache de
me persuader que j'en guerirai et que je pourrai revenir, car l'idee de
te quitter pour toujours est au-dessus de mes forces. Invoque ma parole
et la saintete de nos liens; invoque le nom respecte et cheri de
Jacques; dis-moi tout ce qu'il faut me dire pour me donner la force dont
j'ai besoin. Oh! je l'aurai, Fernande; ta douceur et ta compassion nous
sauvent tous les deux. Je ne m'etais pas attendu a cette tendresse
misericordieuse avec laquelle tu me plains en me repoussant; j'esperais
que tu me repousserais durement, et que je pourrais t'aimer et t'estimer
moins. Alors, malheur a toi, je serais reste, et j'aurais peut-etre
reussi a te perdre. Mais que puis-je faire devant une vertu si calme et
si compatissante? Le dernier des laches tomberait a genoux devant toi,
et tu sais que je suis un honnete homme; j'aurai du coeur. Adieu,
Fernande; adieu, ma soeur cherie; adieu, mon seul et dernier amour; je
deviendrai ce qu'il plaira a Dieu; je guerirai ou je mourrai. Il ne
s'agit pas de cela; l'important, c'est que tu restes heureuse et pure;
je partirai avec cette idee, et elle me soutiendra.
Il faut que vous me pardonniez un vol que je vous ai fait: le bracelet
que vous m'avez jete par la fenetre, un soir que vous me prites pour
Jacques, ne m'a jamais quitte. Celui que vous avez est une copie exacte
que j'ai fait faire a Lyon, et que je vous ai rendue pour ne pas vous
offenser par ma resistance. Je n'ai pas eu le courage de me separer de
ce premier gage d'une affection qui m'est devenue si necessaire et
si funeste; aujourd'hui que je sens mon coeur criminel, je n'oserais
emporter ce bracelet sans votre permission. Vous ne pouvez pas me le
refuser, quand je pars, peut-etre pour toujours. J'accomplis le
plus terrible des sacrifices; serez-vous sans pitie? Je paierai mon
devouement de ma vie peut-etre, et votre generosite ne vous coutera
rien, car personne ne pourra deviner la supercherie. J'ai fait effacer
de l'ecusson de mon bracelet le chiffre de Jacques, qui etait enlace au
votre, et je l'ai fait remplacer par le mien. Si, a ce moment affreux
et solennel ou je vous quitte, vous m'accordez ce gage d'amitie et de
pardon, il me deviendra plus cher que jamais.
Je dirai ce soir que je pars demain; je trouverai un pretexte; je
promettrai de revenir. Soyez tranquille, je ne me trahirai pas. Mais
partirai-je sans te dire adieu, sans couvrir tes
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