eront-elles taries quand les miennes
couleront?" O cher Octave! en te parlant ainsi, je sentais Dieu
m'inspirer; une confiance, une foi miraculeuse, descendaient en moi;
j'avais comme une revelation de ce qui allait s'operer entre nous, et
ce fut un prodige en effet que ma resolution et ton enthousiasme en ce
moment. Tu ne sais pas comme tu devins beau en tombant a genoux et en
levant les bras vers le ciel pour le prendre a temoin de tes serments;
comme ton visage pale devint vermeil et anime; comme les yeux fatigues
et presque eteints s'illuminerent d'une flamme sublime. Ce rayon du
ciel a laisse son reflet sur ta figure, et depuis hier tu as une autre
expression, une autre beaute que je ne te connaissais pas. Ta voix
aussi a change; elle a quelque chose qui me penetre comme une musique
delicieuse, et quand tu lis tout haut, je n'ecoute pas les mots, je ne
comprends pas le sens des choses que tu dis; la seule harmonie de ta
voix m'emeut et me donne envie de pleurer. Moi-meme je me sens toute
changee; j'ai des facultes nouvelles, je comprends mille choses que je
ne comprenais pas hier; mon coeur est plus chaud et plus riche; j'aime
mon mari, ma soeur Sylvia et mes enfants plus que jamais; et pour toi,
Octave, je ressens une affection a laquelle je ne chercherai point de
nom, mais que Dieu m'inspire et que Dieu benit. Ah! que tu es grand et
pur, mon ami! que tu es different des autres hommes, et combien peu
d'entre eux sont capables de te comprendre!
Que serais-je devenue si tu nous avais quittes? La seule pensee de te
perdre me fait encore tressaillir douloureusement. Sais-tu, mon ami,
combien tu nous es necessaire, et a moi surtout? Ce que tu m'ecrivais
l'autre jour est bien vrai: nous ne faisons qu'un. Jamais deux
caracteres ne se sont convenus, jamais deux coeurs ne se sont compris
comme les notres. Jacques et Sylvia se ressemblent et ne nous
ressemblent pas, et c'est pour cela que nous les aimons tant; voila
pourquoi nous avons pu avoir de l'amour pour eux, mais nous ne pouvons
en avoir l'un pour l'autre. Pour alimenter l'amour, Il faut, je crois,
des differences de gouts et d'opinions, de petites souffrances, des
pardons, des larmes, tout ce qui peut exciter la sensibilite et
reveiller la sollicitude journaliere. L'amitie, l'amour fraternel, si
tu veux, est plus heureux et plus egalement pur; c'est un refuge contre
tous les maux de la vie, c'est une consolation supreme aux douleurs que
cause l'amour. Avant de te c
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