e, puisque je suis cense n'y etre que pour elle
et d'apres sa permission. Il y a une jolie petite maison qui a servi
autrefois de presbytere, et qui est dans une situation delicieuse, a
une demi-lieue dans la montagne; si je pouvais faire deguerpir le vieux
militaire qui l'occupe en lui payant le double de son loyer, je serais
le plus heureux et le mieux loge des hommes. Envoie-moi une petite
somme que mon regisseur te portera, et toute la musique qui est dans ma
chambre. Si je m'etablis dons mon presbytere, je veux que tu viennes
passer le reste de la belle saison avec moi. Tu es un peu amoureux de
Sylvia, quoique tu ne t'en sois jamais vante. Nous vivrons tous deux de
chasse, de peche, de musique et d'amour contemplatif.
LIV.
DE FERNANDE A CLEMENCE.
Non, mon amie, non, je ne suis pas en colere; il est possible que j'aie
eu un moment d'aigreur et d'ironie en te repondant: ta lettre etait si
dure et si cruelle! mais je le jure que la mienne a suffi pour epancher
tout mon depit, et qu'apres l'avoir ecrite je n'ai pas plus pense a
notre querelle que s'il ne se fut rien passe. Si j'ai ete trop loin dans
ma reponse, pardonne-moi, et, une autre fois, menage-moi un peu plus.
Vraiment, je n'avais pas merite des lecons si dures; je m'etais conduite
un peu follement, il est vrai; mais mon coeur etait reste si etranger
aux sentiments que tu me supposes, que, cette fois, je ne pouvais
accepter ton arret comme une verite utile. Il me semblait voir dans ta
maniere de me traiter une sorte de mepris que je ne pouvais pas et que
je ne devais pas supporter. Pour l'amour de Dieu, n'en parlons plus
jamais! Tu m'as boudee bien longtemps, et tu as attendu trois lettres de
moi pour me dire enfin que tu etais fachee. J'espere que tu verras dans
ma perseverance a t'ecrire une amitie a l'epreuve des mortifications de
l'amour-propre: il en doit etre ainsi. Oublie donc toute rancune, et
reviens a moi comme je reviens a toi, sincerement et avec joie.
Tu me montres tant d'indifference et tu te declares si etrangere
desormais a ce qui me concerne, que je n'ose presque plus t'en parler.
Cependant je veux te forcer a reprendre notre correspondance telle
qu'elle etait. Il m'etait si agreable de te raconter toute ma vie,
semaine par semaine! Il me semblait avoir allege mes chagrins de moitie
quand je te les avais confies; il est vrai qu'a present je n'ai plus de
chagrins. Jamais je n'ai ete plus heureuse et plus tranquille. Toutes
les petite
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