se roule au soleil, et pendant des heures entieres elle s'amuse
a passer ses petites mains dans les longs cheveux blonds de son ami.
Sylvia est la favorite de mon fils; elle le tient sur ses genoux en
jouant du piano avec une main, et il l'ecoute comme s'il comprenait le
langage des notes; de temps en temps il se tourne vers elle avec un
sourire d'admiration et cherche a parler; mais il ne fait entendre
que des sons inarticules, qui, au dire de Sylvia, sont des reponses
tres-precises et tres-logiques au langage du piano. Il faut voir ses
interpretations et la traduction qu'elle fait de ses moindres gestes, et
le serieux, le recueillement avec lequel Jacques ecoute tout cela. Ah!
nous sommes bien enfants tous, et bien heureux!
Depuis qu'Herbert est parti et que le froid commence a se faire sentir,
nous sommes un peu plus sedentaires. Nous avons encore pourtant de
belles journees d'automne, et nos soirees ont pris une tournure de
melancolie delicieuse. Sylvia improvise au piano, et, pendant ce temps,
nous sommes assis tout pensifs autour de l'atre ou petille le sarment.
Sylvia ne s'approche jamais du feu; elle est d'un temperament sanguin,
et craint toujours que le sang ne lui monte a la tete. Mon vieux fumeur
de Jacques va et vient par la chambre, et de temps en temps donne un
baiser a sa soeur et a moi; puis il tape sur l'epaule d'Octave en lui
disant: "Est-ce que tu es triste?" Octave releve la tete, et nous nous
apercevons quelquefois que son visage est couvert de larmes. C'est
l'effet des improvisations etranges et tour a tour tristes et folles de
Sylvia. Alors Jacques et Octave se racontent les divers reves poetiques
qu'ils ont faits pendant le chant et les modulations de piano. Il
est etrange de voir comme les memes notes et les memes sons agissent
differemment sur les nerfs de chacun d'eux; quelquefois Jacques est
a cheval sur la bete de l'Apocalypse quand Octave est endormi sur la
paille d'une prison; d'autres fois c'est Jacques qui est atterre de
tristesse dans quelque desert epouvantable, tandis qu'Octave vole avec
les sylphes autour du calice des fleurs au clair de la lune. Bien
n'est plus amusant que d'entendre les fantaisies qui leur passent
par l'esprit. Sylvia s'en mele rarement: c'est la fee qui evoque les
apparitions et qui les contemple sans emotion et en silence, comme des
choses qu'elle est habituee a gouverner. Ce qui l'amuse le plus, c'est
de voir l'effet de la musique sur le chien de chasse d'Octav
|