sont encore; mais ils pouvaient se separer
aisement, et aujourd'hui il faut que leurs coeurs se brisent. Que Dieu
nous pardonne, nous n'avons rien fait a mauvaise et coupable intention.
Je retournerai demain au chateau; si Octave n'est point parti, je
songerai a ce que je dois ou a ce que je puis faire.
[Illustration: Ils etaient deux.]
LXI.
D'OCTAVE A FERNANDE.
Voici un mois bien etrange que nous passons ensemble, mon amie. Depuis
le jour ou vous m'avez commande d'etouffer mon amour, je l'ai tellement
couvert de cendres que j'ai cru parfois avoir reussi a l'eteindre. Je
suis plus tranquille que je ne l'etais cet hiver, bien certainement;
mais ce transport d'enthousiasme qui m'a fait tout promettre et tout
sacrifier, vous auriez du prendre un peu plus de soin pour le ranimer de
temps en temps. Votre coeur semble m'avoir abandonne; et je tombe dans
une tristesse chaque jour plus profonde. Est-ce que vous craignez de me
trouver indocile a vos lecons? pourquoi me les avez-vous deja retirees?
Peut-etre ma melancolie vous fatigue; peut-etre craignez-vous l'ennui
que vous causeraient mes plaintes. Et pourtant il vous serait si facile
de me consoler avec quelques mots de confiance ou de compassion! Ne
connaissez-vous pas votre pouvoir sur moi? quand s'est-il trouve en
defaut? Vous etes quelquefois cruelle sans vous en douter, et vous
me faites un mal horrible sans daigner vous en apercevoir. Ne
pourriez-vous, par exemple, me cacher un peu l'amour que vous avez pour
votre mari? Votre ame est si genereuse et si delicate dans tout le
reste! mais, en ceci, vous mettez une sorte d'ostentation a me
faire souffrir: laissez cette vaine parade aux femmes qui doutent
d'elles-memes. Vous aviez eu tant d'esprit, au milieu de votre
misericorde, dans les premiers jours! vous saviez si bien me dire les
choses qui pouvaient me consoler, ou du moins adoucir ma peine! Quand
vous parliez de votre mari, sans blasphemer un merite que personne
n'apprecie mieux que moi, sans nier une affection que je ne voudrais pas
lui arracher, vous aviez le secret ineffable de me persuader que ma part
etait aussi belle que la sienne, quoique differente. A present vous avez
le talent inutile et cruel de me montrer combien sa part est magnifique
et la mienne ridicule. Ne pouviez-vous me cacher ce tripotage d'enfants
et de berceaux? me comprenez-vous? Je ne sais comment m'expliquer, et je
crains d'etre brutal; car je suis aujourd'hui d'une singuliere acr
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