onne sur son chemin et il n'eut pas besoin
d'expliquer les causes de sa presence dans la campagne a une heure aussi
indue. Il etait accable de fatigue en rentrant au presbytere, ou son
sacristain l'avait attendu une partie de la nuit, avec l'inquietude
de ne pas le voir revenir. Rabelais n'eut garde d'eveiller ce fidele
serviteur, qui avait fini par s'endormir profondement, et des qu'il se
fut couche, sans l'eveiller, il s'endormit lui-meme d'un sommeil plus
profond, de telle sorte qu'il n'entendit pas sonner l'Angelus et qu'il
dormait encore de bon coeur, quand le sacristain, qui s'inquietait de ce
sommeil prolonge, entra dans la chambre du cure.
--Guillot, mon ami, je ne dirai pas ma messe aujourd'hui, s'ecria
Rabelais, qui s'etait reveille en sursaut: il me faut aller visiter un
malade.
--Par Notre-Dame! monsieur le cure, repliqua le sacristain avec une
douce et familiere gaite, l'heure de la messe est passee depuis
longtemps.
--En verite, je ne croyais pas qu'il fut si tard, dit Rabelais en se
hatant de se vetir. Je me suis oublie, cette nuit, a chercher des
simples et des insectes dans les bois, et j'ai fait belle chasse, je
t'assure.
--Ah! monsieur le cure, reprit Guillot en soupirant, comment vous
amusez-vous a ramasser toutes ces mauvaises herbes et toutes ces
vilaines betes, dont vous remplissez notre saint presbytere? Il y a la,
Dieu me pardonne, une chouette ou un hibou....
--Non, c'est une chauve-souris, interrompit d'un air placide le cure
naturaliste: ce n'est pas moi qui l'ai tuee, car je ne me resigne
pas volontiers a faire mourir des etres qui ont vie. Cette pauvre
chauve-souris est morte des blessures que lui avait faites un mechant
oiseau de proie. J'ai la des grenouilles et des crapauds, qui doivent
etre encore vivants; j'ai aussi quantite de beaux insectes, que je
compte fort conserver en leur donnant de quoi se nourrir, mais je crains
bien que mes vers luisants soient eteints pour toujours. Ce sont comme
de petites lanternes que la nature allume le soir dans les bois, je ne
sais par quel mystere ni pour quel usage. Tout a sa raison d'etre, tout
a son objet et son but, dans les choses de la nature.
Le sacristain Guillot n'etait plus la pour ecouter les reflexions
savantes et philosophiques de son cure; on avait frappe a la porte du
presbytere, et il etait alle ouvrir. Il revint, quelques instants apres,
annoncer au cure, qu'un enfant en guenilles, qui ne pouvait etre qu'un
mendiant, de
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