que malgre leur gout pour la legalite, Larevelliere et Rewbell furent
obliges de renoncer a toute idee d'un jugement regulier, et durent se
resoudre a un coup d'etat; triste et deplorable ressource, mais qui,
dans leur situation et avec leurs alarmes, etait la seule possible.
Decides a des moyens extremes, ils ne voulaient cependant pas de moyens
sanglans, et cherchaient a contenir les gouts revolutionnaires
de Barras. Sans etre d'accord encore sur le mode et le moment de
l'execution, ils s'arreterent a l'idee de faire arreter Pichegru et
ses cent quatre-vingts complices supposes, de les denoncer au corps
legislatif epure, et de lui demander une loi extraordinaire, qui
decretat leur bannissement sans jugement. Dans leur extreme defiance,
ils se meprenaient sur Carnot; ils oubliaient sa vie passee, ses
principes rigides, son entetement, et le croyaient presque un traitre.
Ils craignaient que, reuni a Barthelemy, il ne fut dans le complot de
Pichegru. Ses soins pour grouper l'opposition autour de lui, et s'en
faire le chef, etaient a leurs yeux prevenus comme autant de preuves
d'une complicite criminelle. Cependant ils n'etaient pas convaincus
encore; mais decides a un coup hardi, ils ne voulaient pas agir a demi,
et ils etaient prets a frapper les coupables meme a leurs cotes, et dans
le sein du directoire.
Ils convinrent de tout preparer pour l'execution de leur projet, et
d'epier soigneusement leurs ennemis, afin de saisir le moment ou il
deviendrait urgent de les atteindre. Resolus a un acte aussi hardi, ils
avaient besoin d'appui. Le parti patriote, qui pouvait seul leur en
fournir, se divisait comme autrefois en deux classes; les uns, toujours
furieux depuis le 9 thermidor, n'avaient pas decolere depuis trois
ans, ne comprenaient aucunement la marche forcee de la revolution,
consideraient le regime legal comme une concession faite aux
contre-revolutionnaires, et ne voulaient que vengeance et proscriptions.
Quoique le directoire les eut frappes dans la personne de Baboeuf, ils
etaient prets, avec leur devouement ordinaire, a voler a son secours.
Mais ils etaient trop dangereux a employer, et on pouvait tout au plus,
en un jour de peril extreme, les enregimenter, comme on avait fait au 13
vendemiaire, et compter sur le sacrifice de leur vie. Ils avaient assez
prouve a cote de Bonaparte, et sur les degres de l'eglise Saint-Roch, de
quoi ils etaient capables un jour de danger. Outre ces ardens patriotes,
presque tous c
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