et lui promit le plus
entier devouement. Il s'agissait de s'assurer de Barras, dont le langage
energique ne suffisait pas pour rassurer ses collegues. Ne lui supposant
ni probite, ni principes, le voyant entoure de tous les partis, ils le
croyaient aussi capable de se vendre a l'emigration que de se mettre un
jour a la tete des faubourgs, et de faire un horrible coup de main. Ils
craignaient l'une de ces choses autant que l'autre. Ils voulaient sauver
la republique par un acte d'energie, mais ne pas la compromettre par
de nouveaux meurtres. Effarouches par les moeurs de Barras, ils se
defiaient trop de lui. Larevelliere se chargea de l'entretenir. Barras,
charme de se coaliser avec ses deux collegues, et de s'assurer leur
appui, flatte surtout de leur alliance, adhera entierement a leurs
projets, et parut se preter a toutes leurs vues. Des cet instant,
ils furent assures de former une majorite compacte, et d'annuler
entierement, par leurs trois votes reunis, l'influence de Carnot et de
Barthelemy. Il s'agissait de savoir quels moyens ils emploieraient
pour dejouer la conspiration, a laquelle ils supposaient de si grandes
ramifications dans les deux conseils. Employer les voies judiciaires,
denoncer Pichegru et ses complices, demander leur acte d'accusation aux
cinq-cents, et les faire juger ensuite, etait tout a fait impossible.
D'abord on n'avait que le nom de Pichegru, de Lemerer et de Mersan; on
croyait bien reconnaitre les autres a leurs liaisons, a leurs intrigues,
a leurs violentes propositions dans le club de Clichy et dans les
cinq-cents, mais ils n'etaient nommes nulle part. Faire condamner
Pichegru et deux ou trois deputes, ce n'etait pas detruire la
conspiration. D'ailleurs on n'avait pas meme les moyens de faire
condamner Pichegru, Lemerer et Mersan; car les preuves existant contre
eux, quoique emportant la conviction morale, ne suffisaient pas pour que
des juges prononcassent une condamnation. Les declarations de Duverne de
Presle, celle de d'Entraigues, etaient insuffisantes sans le secours des
depositions orales. Mais ce n'etait pas la encore la difficulte la plus
grande: aurait-on possede contre Pichegru et ses complices toutes les
pieces qu'on n'avait pas, il fallait arracher l'acte d'accusation aux
cinq-cents; et, les preuves eussent-elles ete plus claires que le jour,
la majorite actuelle n'y eut jamais adhere; car c'etait deferer le
coupable a ses propres complices. Ces raisons etaient si evidentes,
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