presenter a Bonaparte, ils hasarderent de lui ecrire une lettre des
plus soumises, pour lui offrir toutes les explications qu'il pourrait
desirer. "Je ne puis, leur repondit-il, vous recevoir tout couverts de
sang francais; je vous ecouterai quand vous m'aurez livre les trois
inquisiteurs d'etat, le commandant du Lido et l'officier charge de la
police de Venise." Cependant, comme ils avaient recu un dernier courrier
relatif a l'evenement du Lido, il consentit a les voir, mais il refusa
d'ecouter aucune proposition avant qu'on lui eut livre les tetes qu'il
avait demandees. Les deux Venitiens cherchant alors a user d'une
puissance dont la republique avait souvent tire un utile parti,
essayerent de lui proposer une reparation d'un autre genre. "Non, non,
repliqua le general irrite, quand vous couvririez cette plage d'or, tous
vos tresors, tous ceux du Perou, ne pourraient payer le sang d'un seul
de mes soldats."
Bonaparte les congedia. C'etait le 13 floreal (2 mai); il publia
sur-le-champ un manifeste de guerre contre Venise. La constitution
francaise ne permettait ni au directoire, ni aux generaux de declarer la
guerre, mais elle les autorisait a repousser les hostilites commencees.
Bonaparte, s'etayant sur cette disposition et sur les evenemens de
Verone et du Lido, declara les hostilites commencees, somma le ministre
Lallemant de sortir de Venise, fit abattre le lion de Saint-Marc dans
toutes les provinces de la terre-ferme, municipaliser les villes,
proclamer partout le renversement du gouvernement venitien, et, en
attendant la marche de ses troupes qui revenaient de l'Autriche, ordonna
au general Kilmaine de porter les divisions Baraguay-d'Hilliers et
Victor sur le bord des lagunes. Ses determinations, aussi promptes que
son courroux, s'executerent sur-le-champ. En un clin d'oeil on vit
disparaitre l'antique lion de Saint-Marc des bords de l'Izonzo jusqu'a
ceux du Mincio, et partout il fut remplace par l'arbre de la liberte.
Des troupes s'avancerent de toutes parts, et le canon francais retentit
sur ces rivages, qui depuis si long-temps n'avaient pas entendu le canon
ennemi.
L'antique ville de Venise, placee au milieu de ses lagunes, pouvait
presenter encore des difficultes presque invincibles, meme au general
qui venait d'humilier l'Autriche. Toutes les lagunes etaient armees.
Elle avait trente-sept galeres, cent soixante-huit barques canonnieres,
portant sept cent cinquante bouches a feu, et huit mille cinq cents
|