, il s'etait trompe,
comme on a vu. La plupart des clichyens, sauf cinq ou six peut-etre,
agissaient par entrainement d'opinion, et non par complicite. Mais le
directoire, trompe par les apparences et la declaration de Duverne de
Presle, les croyait sciemment engages dans le complot, et ne voyait en
eux que des conjures. Une decouverte faite par Bonaparte en Italie vint
lui reveler un secret important, et ajouter encore a ses craintes. Le
Comte d'Entraigues, agent du pretendant, son intermediaire avec
les intrigans de France, et le confident de tous les secrets de
l'emigration, s'etait refugie a Venise. Quand les Francais y entrerent,
il fut saisi et livre a Bonaparte. Celui-ci pouvait l'envoyer en France
pour y etre fusille comme emigre et comme conspirateur; cependant il se
laissa toucher, et prefera se servir de lui et de ses indiscretions,
au lieu de le devouer a la mort. Il lui assigna la ville de Milan pour
prison, lui donna quelques secours d'argent, et se fit raconter tous les
secrets du pretendant. Il connut alors l'histoire entiere de la trahison
de Pichegru, qui etait restee cachee du gouvernement, et dont Rewbell
seul avait eu quelques soupcons, mal accueillis de ses collegues.
D'Entraigues raconta a Bonaparte tout ce qu'il savait, et le mit au fait
de toutes les intrigues de l'emigration. Outre ces revelations verbales,
on obtint des renseignemens curieux par la saisie des papiers trouves a
Venise, dans le portefeuille de d'Entraigues. Entre autres pieces, il
en etait une fort importante, contenant une longue conversation de
d'Entraigues avec le comte de Montgaillard, dans laquelle celui-ci
racontait la premiere negociation entamee avec Pichegru, et restee
infructueuse par l'obstination du prince de Conde. D'Entraigues
avait ecrit cette conversation[7], qui fut trouvee dans ses papiers.
Sur-le-champ Berthier, Clarke et Bonaparte la signerent pour en attester
l'authenticite, et l'envoyerent a Paris.
[Note 7: M. de Montgaillard, dans son ouvrage, plein de calomnies et
d'erreurs, a soutenu que cette piece contenait des faits vrais, mais
qu'elle etait fausse, et avait ete fabriquee par Bonaparte, Berthier et
Clarke. Le contraire est constant, et on concoit l'interet que M. de
Montgaillard avait a justifier son frere de la conversation qu'on lui
attribue dans cette piece. Mais il est difficile d'abord de supposer que
trois personnages aussi importans osassent faire un faux. Ces actes-la
sont aussi rares de nos
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