sans quoi j'aurais remis ma veste ou ma blouse de Loumigny."
Pendant qu'ils parlaient, un grand mouvement se faisait dans la cour;
un courrier a cheval venait d'arriver; les domestiques s'empresserent
autour de lui; les petits Russes se debanderent et coururent savoir des
nouvelles. Jacques et Paul les suivirent et comprirent que ce courrier
precedait d'une heure Mme Papofski, niece du general comte Dourakine.
Elle venait passer quelque temps chez son oncle avec ses huit enfants.
On alla prevenir le general, qui parut assez contrarie de cette visite;
il appela Derigny.
"Allez, mon ami, avec Vassili, pour arranger des chambres a tout ce
monde. Huit enfants! si ca a du bon sens de m'amener cette marmaille!
Que veut-elle que je fasse de ces huit polissons? Des brise-tout,
des criards!--Sac a papier! j'etais tranquille, ici, je commencais a
m'habituer a tout ce qui y manque; vous, votre femme et vos enfants me
suffisiez grandement, et voila cette invasion de sauvages qui vient me
troubler et m'ennuyer! Mais il faut les recevoir, puisqu'ils arrivent.
Allez, mon ami, allez vite tout preparer."
Derigny: "Mon general, oserais-je vous demander de vouloir bien venir
m'indiquer les chambres que vous desirez leur voir occuper?" Le general:
"Ca m'est egal! Mettez-les ou vous voudrez; la premiere porte qui vous
tombera sous la main."
Derigny: "Pardon, mon general; cette dame est votre niece, et a ce titre
elle a droit a mon respect. Je serais desole de ne pas lui donner les
meilleurs appartements; ce qui pourrait bien arriver, puisque je connais
encore imparfaitement les chambres du chateau."
Le general: "Allons, puisque vous le voulez, je vous accompagne; marchez
en avant pour ouvrir les portes."
Vassili suivait, fort etonne de la condescendance du comte, qui daignait
visiter lui-meme les chambres de la maison. On arriva devant une porte
a deux battants, la premiere du corridor qui donnait dans la salle a
manger.
Le general: "En voici une; elle en vaudra une autre; ouvrez, Derigny: il
doit y avoir trois ou quatre chambres que se suivent et qui ont chacune
leur porte dans le corridor."
Derigny ouvrit, malgre la vive opposition de Vassili, que le general fit
taire par quelques mots energiques. Le general entra, fit quelques pas
dans la chambre, regarda autour de lui d'un oeil etincelant de colere, et
se tournant vers Vassili:
"Tu ne voulais pas me laisser entrer, animal, parce que tu voulais me
cacher que toi et le
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