la nudite de l'endroit. Pas
une seule, maison, pas un seul hangar, dans un rayon de dix milles,
rien! rien que la plaine immense a laquelle l'herbe brulee et jaunie
formait une robe de crepe dernier vestige de la devastation. Seul
au milieu de cette scene apitoyable, le vieux chantier delabre, qui
conservait encore le nom de Fort, se dressait au milieu de la plaine
comme un soldat invalide, qui attend, comme une faveur, la balle qui le
delivrera des miseres d'ici-bas. Ce n'etait plus un fort: deux batiments
de 15 pieds par 12, en bois brut, entoures, pour la forme, d'une
ceinture de pieux qui portait encore la trace des ravages de la derniere
guerre voila ce qui frappait l'oeil du visiteur.
Si ce dernier, poursuivant plus loin ses recherches, allait a
l'interieur, un spectacle non moins triste s'offrait a sa vue.
Dans la cour qui separe les deux batiments, un homme passerait sa
journee a ramasser et classifier ce qui traine. Ici, un couteau rouille,
plus loin, une carabine brisee, partout debris sales et puants qui
infectent l'atmosphere des environs. Un des batiments, celui du nord,
sert de magasin de provisions, l'autre de pharmacie.
Cependant presque tous les soldats allerent voir ce qui restait du
Fort, et leur demarche ne fut pas vaine, car il etait superbe dans son
delabrement.
Meme la fetidite qui s'echappait de la cour lui donnait un air de je ne
sais quoi qui vous prenait au coeur et vous faisait monter, malgre vous,
a la paupiere, une larme de regret et de pitie.
Apres avoir visite le fort, on alla examiner la tombe du jeune constable
Cowan. On s'agenouilla aupres du tertre dont la verdure changeait de
nuance petit a petit et sur lequel quelques fleurs, plantees par des
mains amies, pliaient tristement la tete et semblaient fremir au contact
de leur racines avec le cadavre froid du jeune martyr. Oui, du jeune
martyr, car c'en fut un.
Quand on trouva, son corps, il avait un bras et une jambe coupes, la
poitrine ouverte et quant a son coeur, quelque Sauvage le lui avait
arrache et l'avait emporte a son wigwam. Aussi les soldats du 65e qui
ramasserent ce pauvre cadavre mutile, emus jusqu'aux larmes a la vue de
son etat, lui creuserent-ils une tombe aune centaine de verges du fort.
On y planta des rosiers sauvages et quelques fleurs des bois. Dieu
preserve ces pauvres fleurs! que chaque printemps elles elevent plus
haut leurs corolles nuancees et repandent autour de cette tombe un
parfum divin! Qu'
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