nous font mille souhaits d'heureux
retour. Les plus hardis qui se rendent jusqu'a elles leur demander un
verre d'eau sont traites comme des freres ou des fils et sont recus
comme un parent dont on attend depuis longtemps la visite et qu'on voit
partir a regret.
Quelques-uns se rendent jusqu'aux limites du village et jouissent d'un
spectacle inconnu dans leur ville natale. A leur gauche, le vieux fort
s'eleve fier dans son armure d'ecorce, montrant avec orgueil ses flancs
perces de balles et ses murs a moitie detruits que des ouvriers sont a
reparer avec des precautions remarquables, comme s'ils craignaient de
renverser cette relique precieuse.
A travers les fentes de la cloture, on peut voir quelques canons, la
gueule encore noircie par la poudre, les oreilles pendantes comme un
chien fatigue attendant l'ordre de son maitre pour aboyer de nouveau.
A droite, le village avec ses jolies petites maisons blanches a
contrevents verts on jaunes, la petite chapelle qui leve humblement vers
le ciel sa croix de bois blanc, le tout decore fraichement par la nature
qui fait pousser partout une herbe d'une verdure aux nuances variees.
Et devant eux, a perte de vue, des plaines immenses, traversees ca et la
par de frais ruisseaux a l'eau limpide, accidentees par des tertres et
des mamelons disperses par-ci par-la dans le plus agreable desordre.
Vers les six heures, nous etions revenus a bord du vaisseau. Des
retardataires nous apprennent la mort du soldat Millen de la batterie B.
Il avait ete tue accidentellement par une balle de sa propre carabine en
escortant un Sauvage au Fort.
Lundi, 6--A 4 1/2 h. du matin, l'on coupe les amarres et bientot
Battleford disparait au moment ou nous tournons la premiere pointe. Le
vent s'etait eleve et le bateau marchait tres-vite.
Il etait vraiment curieux de voir comme les ecueils etaient passes et
comme les bancs de sable disparaissaient vite a droite et a gauche. Tout
a coup, vers les neuf heures, le bateau arrete.
Le vent etait devenu si violent que la "_Baroness_" etait aussi bien
echouee que jamais bateau ne l'a ete. Voyant tous leurs efforts aboutir
a rien, les matelots devinrent de mauvaise humeur, le capitaine se fit
de la bile et nous dumes passer le reste de la journee au milieu de la
riviere, exposes au vent, avec la consolation, cependant, de n'etre pas
troubles dans notre sommeil par les maringouins qui n'oseraient pas
entreprendre la perilleuse traversee de la rive
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