lle le renvoya sans lui rien confier, mais en le
chargeant d'aller trouver le lieutenant et de lui dire de venir la voir
tout de suite. Le vieillard fit la commission. Il ignore si le lieutenant
se rendit a l'ordre de la signora Giovanna. Le lendemain, l'incendie avait
devore le donjon, et Giovanna Morosini etait ensevelie sous les ruines."
Ezzelin se tut.
"Est-ce la tout ce que vous avez a dire, seigneur comte? lui dit
l'examinateur.
--C'est tout.
--Voulez-vous produire vos preuves?
--Je ne suis point venu ici, dit Ezzelin, en me vantant de produire les
preuves de la verite; j'y suis venu pour dire la verite telle qu'elle est,
telle que je la possede en moi. Je ne songeais point a amener Orio Soranzo
au pied de ce tribunal lorsque j'ai acquis la certitude de ses crimes. En
revenant a Venise, je ne voulais que le chasser de ma maison, de ma
famille, et remettre son sort entre les mains de l'amiral. Vous m'avez
somme de dire ce que je savais, je l'ai fait; je l'affirmerai par serment,
et j'engagerai mon honneur a le soutenir desormais envers et contre tous.
Orio Soranzo pourra soutenir le contraire, il pourra fort bien affirmer
par serment que j'en ai menti. Votre conscience jugera, et votre sagesse
prononcera qui de lui ou de moi est un imposteur et un lache.
--Comte Ezzelin, dit Morosini, le conseil des Dix fera de votre assertion
l'appreciation qu'il jugera convenable. Quant a moi, je n'ai pas de
jugement a formuler dans cette affaire, et quelque douloureuses que soient
mes impressions personnelles, je saurai les renfermer, puisque l'accuse
est dans les mains de la justice. Je dois seulement me constituer en
quelque sorte son defenseur jusqu'a ce que vous m'ayez, sous tous les
rapports, ote le courage de le faire. Vous avez avance une autre
accusation que j'ai a peine la force de rappeler, tant elle souleve en moi
de souvenirs amers et de sentiments douloureux. Je dois vous demander,
malgre ce que vous venez de dire, si vous avez une preuve materielle a
fournir de l'attentat dont, selon vous, mon infortunee niece aurait ete
victime?
--Je demande la permission de repondre au noble Morosini, dit Stefano
Barbolamo en se levant; car cette tache m'appartient, et c'est d'apres mes
conseils et mes instances, je dirai plus, c'est sous ma garantie, que le
comte Ezzelin a raconte ce qu'il avait appris du vieux patre de Curzolari.
Sans doute ceci prouverait peu de chose, isole de tout le reste; mais la
suite de l'
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