s avaient rencontre dans l'antichambre, regardait
cette sortie d'un air inquiet. Il connaissait trop la vie pour ne
pas se douter qu'il y eut quelque chose de cache la-dessous.
-- Ah! c'est toi, mon bon Grimaud? dit Athos. Nous allons...
-- Faire un tour dans mon carrosse, interrompit d'Artagnan avec un
mouvement amical de la tete.
Grimaud remercia d'Artagnan par une grimace qui avait visiblement
l'intention d'etre un sourire, et il accompagna les deux amis
jusqu'a la portiere. Athos monta le premier; d'Artagnan le suivit
sans avoir rien dit au cocher. Ce depart, tout simple et sans
autre demonstration, ne fit aucune sensation dans le voisinage.
Lorsque le carrosse eut atteint les quais:
-- Vous me menez a la Bastille, a ce que je vois? dit Athos.
-- Moi? dit d'Artagnan. Je vous mene ou vous voulez aller, pas
ailleurs.
-- Comment cela? fit le comte surpris.
-- Pardieu! dit d'Artagnan, vous comprenez bien, mon cher comte,
que je ne me suis charge de la commission que pour que vous en
fassiez a votre fantaisie. Vous ne vous attendez pas a ce que je
vous fasse ecrouer comme cela brutalement, sans reflexion. Si je
n'avais pas prevu cela, j'eusse laisse faire M. le capitaine des
gardes.
-- Ainsi?... demanda Athos.
-- Ainsi, je vous le repete, nous allons ou vous voulez.
-- Cher ami, dit Athos en embrassant d'Artagnan, je vous reconnais
bien la.
-- Dame! il me semble que c'est tout simple. Le cocher va vous
mener a la barriere du Cours-la-Reine; vous y trouverez un cheval
que j'ai ordonne de tenir tout pret, avec ce cheval, vous ferez
trois postes tout d'une traite, et, moi, j'aurai soin de ne
rentrer chez le roi, pour lui dire que vous etes parti, qu'au
moment ou il sera impossible de vous joindre. Pendant ce temps,
vous aurez gagne Le Havre, et, du Havre, l'Angleterre, ou vous
trouverez la jolie maison que m'a donnee mon ami M. Monck, sans
parler de l'hospitalite que le roi Charles ne manquera pas de vous
offrir... Eh bien! que dites-vous de ce projet?
-- Menez-moi a la Bastille, dit Athos en souriant.
-- Mauvaise tete! dit d'Artagnan; reflechissez donc.
-- Quoi?
-- Que vous n'avez plus vingt ans. Croyez-moi, mon ami, je vous
parle d'apres moi. Une prison est mortelle aux gens de notre age.
Non, non, je ne souffrirai pas que vous languissiez en prison.
Rien que d'y penser, la tete m'en tourne!
-- Ami, repondit Athos, Dieu m'a fait, par bonheur, aussi fort de
corps que d'esprit Croyez-m
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