de royaute
meme, est-ce que vous devriez choisir une prison? Vous voulez me
faire croire a la splendeur, et nous nous cachons dans la nuit?
Vous me vantez la gloire, et nous etouffons nos paroles sous les
rideaux de ce grabat? Vous me faites entrevoir une toute-puissance
et j'entends les pas du geolier dans ce corridor, ce pas qui vous
fait trembler plus que moi? Pour me rendre un peu moins incredule,
tirez-moi donc de la Bastille, donnez de l'air a mes poumons, des
eperons a mon pied, une epee a mon bras, et nous commencerons a
nous entendre.
-- C'est bien mon intention de vous donner tout cela, et plus que
cela, monseigneur. Seulement, le voulez-vous?
-- Ecoutez encore, monsieur, interrompit le prince. Je sais qu'il
y a des gardes a chaque galerie, des verrous a chaque porte, des
canons et des soldats a chaque barriere. Avec quoi vaincrez-vous
les gardes, enclouerez vous les canons? Avec quoi briserez-vous
les verrous et les barrieres?
-- Monseigneur, comment vous est venu ce billet que vous avez lu
et qui annoncait ma venue?
-- On corrompt un geolier pour un billet.
-- Si l'on corrompt un geolier, on peut en corrompre dix.
-- Eh bien! j'admets que ce soit possible de tirer un pauvre
captif de la Bastille, possible de le bien cacher pour que les
gens du roi ne le rattrapent point, possible encore de nourrir
convenablement ce malheureux dans un asile inconnu.
-- Monseigneur! fit en souriant Aramis.
-- J'admets que celui qui ferait cela pour moi serait deja plus
qu'un homme, mais puisque vous dites que je suis un prince, un
frere de roi, comment me rendrez-vous le rang et la force que ma
mere et mon frere m'ont enleves? Mais, puisque je dois passer une
vie de combats et de haines, comment me ferez-vous vainqueur dans
ces combats et invulnerable a mes ennemis? Ah! monsieur, songez-y!
jetez-moi demain dans quelque noire caverne, au fond d'une
montagne! faites-moi cette joie d'entendre en liberte les bruits
du fleuve et de la plaine, de voir en liberte le soleil d'azur ou
le ciel orageux, c'en est assez! Ne me promettez pas davantage,
car, en verite, vous ne pouvez me donner davantage, et ce serait
un crime de me tromper, puisque vous vous dites mon ami.
Aramis continua d'ecouter en silence.
-- Monseigneur, reprit-il apres avoir un moment reflechi, j'admire
ce sens si droit et si ferme qui dicte vos paroles; je suis
heureux d'avoir devine mon roi.
-- Encore! encore!... Ah! par pitie, s'ecria le
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