s par-dessus le papier, en
s'interrompant:
-- "Ordre de detenir dans mon chateau de la Bastille..." Tres
bien... "Dans mon chateau de la Bastille... M. le comte de La
Fere." oh! monsieur, que c'est pour moi un douloureux honneur de
vous posseder!
-- Vous aurez un patient prisonnier, monsieur dit Athos de sa voix
suave et calme.
-- Et un prisonnier qui ne restera pas un mois chez vous, mon cher
gouverneur, dit Aramis, tandis que de Baisemeaux, l'ordre a la
main, transcrivait sur son registre d'ecrou la volonte royale.
-- Pas meme un jour, ou plutot, pas meme une nuit, dit d'Artagnan
en exhibant le second ordre du roi; car maintenant, cher monsieur
de Baisemeaux, il vous faudra transcrire aussi cet ordre de mettre
immediatement le comte en liberte.
-- Ah! fit Aramis, c'est de la besogne que vous m'epargnez,
d'Artagnan.
Et il serra d'une facon significative la main du mousquetaire en
meme temps que celle d'Athos.
-- Eh quoi! dit ce dernier avec etonnement, le roi me donne la
liberte?
-- Lisez, cher ami, repartit d'Artagnan.
Athos prit l'ordre et lut.
-- C'est vrai, dit-il.
-- En seriez-vous fache? demanda d'Artagnan.
-- Oh! non, au contraire. Je ne veux pas de mal au roi, et le plus
grand mal qu'on puisse souhaiter aux rois, c'est qu'ils commettent
une injustice. Mais vous avez eu du mal, n'est-ce pas? oh! avouez-
le mon ami.
-- Moi? Pas du tout! fit en riant le mousquetaire. Le roi fait
tout ce que je veux.
Aramis regarda d'Artagnan et vit bien qu'il mentait.
Mais Baisemeaux ne regarda rien que d'Artagnan, tant il etait
saisi d'une admiration profonde pour cet homme qui faisait faire
au roi tout ce qu'il voulait.
-- Et le roi exile Athos? demanda Aramis.
-- Non, pas precisement; le roi ne s'est pas meme explique la-
dessus, reprit d'Artagnan; mais je crois que le comte n'a rien de
mieux a faire, a moins qu'il ne tienne a remercier le roi...
-- Non, en verite, repondit en souriant Athos.
-- Eh bien! je crois que le comte n'a rien de mieux a faire,
reprit d'Artagnan, que de se retirer dans son chateau. Au reste,
mon cher Athos, parlez, demandez; si une residence vous est plus
agreable que l'autre, je me fais fort de vous faire obtenir celle-
la.
-- Non, merci, dit Athos; rien ne peut m'etre plus agreable, cher
ami, que de retourner dans ma solitude, sous mes grands arbres, au
bord de la Loire. Si Dieu est le supreme medecin des maux de
l'ame, la nature est le souverain reme
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