et voici ce
qu'elle contenait:
"Cher ami, Raoul est venu me demander des renseignements sur la
conduite de Mlle de La Valliere durant le sejour de notre jeune
ami a Londres. Moi, je suis un pauvre capitaine de mousquetaires
dont les oreilles sont rebattues tout le jour des propos de
caserne et de ruelle. Si j'avais dit a Raoul ce que je crois
savoir, le pauvre garcon en fut mort; mais, moi qui suis au
service du roi, je ne puis raconter les affaires du roi. Si le
coeur vous en dit, marchez! La chose vous regarde plus que moi et
presque autant que Raoul."
Grimaud s'arracha une demi-pincee de cheveux. Il eut fait mieux si
sa chevelure eut ete plus abondante.
-- Voila, dit-il, le noeud de l'enigme. La jeune fille a fait des
siennes. Ce qu'on dit d'elle et du roi est vrai. Notre jeune
maitre est trompe. Il doit le savoir. M. le comte a ete trouver le
roi et lui a dit son fait. Et puis le roi a envoye M. d'Artagnan
pour arranger l'affaire. Ah! mon Dieu, continua Grimaud, M. le
comte est rentre sans son epee.
Cette decouverte fit monter la sueur au front du brave homme. Il
ne s'arreta pas plus longtemps a conjecturer, il enfonca son
chapeau sur la tete et courut au logis de Raoul.
Apres la sortie de Louise, Raoul avait dompte sa douleur, sinon
son amour, et, force de regarder en avant dans cette route
perilleuse ou l'entrainaient la folie et la rebellion, il avait vu
du premier coup d'oeil son pere en butte a la resistance royale,
puisque Athos s'etait d'abord offert a cette resistance.
En ce moment de lucidite toute sympathique, le malheureux jeune
homme se rappela justement les signes mysterieux d'Athos, la
visite inattendue de d'Artagnan, et le resultat de tout ce conflit
entre un prince et un sujet apparut a ses yeux epouvantes.
D'Artagnan en service, c'est-a-dire cloue a son poste, ne venait
certes pas chez Athos pour le plaisir de voir Athos. Il venait
pour lui dire quelque chose. Ce quelque chose, en d'aussi penibles
conjonctures, etait un malheur ou un danger. Raoul fremit d'avoir
ete egoiste, d'avoir oublie son pere pour son amour, d'avoir, en
un mot, cherche la reverie ou la jouissance du desespoir, alors
qu'il s'agissait peut-etre de repousser l'attaque imminente
dirigee contre Athos.
Ce sentiment le fit bondir. Il ceignit son epee et courut d'abord
a la demeure de son pere. En chemin, il se heurta contre Grimaud,
qui, parti du pole oppose, s'elancait avec la meme ardeur a la
recherche de la ve
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