rite. Ces deux hommes s'etreignirent l'un et
l'autre; ils en etaient l'un et l'autre au meme point de la
parabole decrite par leur imagination.
-- Grimaud! s'ecria Raoul.
-- Monsieur Raoul! s'ecria Grimaud.
-- M. le comte va bien?
-- Tu l'as vu?
-- Non; ou est-il?
-- Je le cherche.
-- Et M. d'Artagnan?
-- Sorti avec lui.
-- Quand?
-- Dix minutes apres votre depart.
-- Comment sont-ils sortis?
-- En carrosse.
-- Ou vont-ils?
-- Je ne sais.
-- Mon pere a pris de l'argent?
-- Non.
-- Une epee?
-- Non.
-- Grimaud!
-- Monsieur Raoul!
-- J'ai idee que M. d'Artagnan venait pour...
-- Pour arreter M. le comte, n'est-ce pas?
-- Oui, Grimaud.
-- Je l'aurais jure!
-- Quel chemin ont-ils pris?
-- Le chemin des quais.
-- La Bastille?
-- Ah! mon Dieu, oui.
-- Vite, courons!
-- Oui, courons!
-- Mais ou cela? dit soudain Raoul avec accablement.
-- Passons chez M. d'Artagnan; nous saurons peut-etre quelque
chose.
-- Non; si l'on s'est cache de moi chez mon pere, on s'en cachera
partout. Allons chez... Oh! mon Dieu! mais je suis fou
aujourd'hui, mon bon Grimaud.
-- Quoi donc?
-- J'ai oublie M. du Vallon.
-- M. Porthos?
-- Qui m'attend toujours! Helas! je te le disais, je suis fou.
-- Qui vous attend, ou cela?
-- Aux Minimes de Vincennes!
-- Ah! mon Dieu! Heureusement, c'est du cote de la Bastille!
-- Allons, vite!
-- Monsieur, je vais faire seller les chevaux.
-- Oui, mon ami, va.
Chapitre CCV -- Ou Porthos est convaincu sans avoir compris
Ce digne Porthos, fidele a toutes les lois de la chevalerie
antique, s'etait decide a attendre M. de Saint-Aignan jusqu'au
coucher du soleil. Et, comme de Saint-Aignan ne devait pas venir,
comme Raoul avait oublie d'en prevenir son second, comme la
faction commencait a etre des plus longues et des plus penibles,
Porthos s'etait fait apporter par le garde d'une porte quelques
bouteilles de bon vin et un quartier de viande, afin d'avoir au
moins la distraction de tirer de temps en temps un bouchon et une
bouchee. Il en etait aux dernieres extremites, c'est-a-dire aux
dernieres miettes, lorsque Raoul arriva escorte de Grimaud, et
tous deux poussant a toute bride.
Quand Porthos vit sur le chemin ces deux cavaliers si presses, il
ne douta plus que ce ne fussent ses hommes, et, se levant aussitot
de l'herbe sur laquelle il s'etait mollement assis, il commenca
par deraidir ses genoux et s
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