trone soient tous
des princes sans valeur et sans honneur, comme M. Gaston
d'Orleans, votre oncle, qui, dix fois, conspira contre le roi
Louis XIII, son frere.
-- Mon oncle Gaston d'Orleans conspira contre son frere? s'ecria
le prince epouvante; il conspira pour le detroner?
-- Mais oui, monseigneur, pas pour autre chose.
-- Que me dites-vous la, monsieur?
-- La verite.
-- Et il eut des amis... devoues?
-- Comme moi pour vous.
-- Eh bien! que fit-il? il echoua?
-- Il echoua, mais toujours par sa faute, et, pour racheter, non
pas sa vie, car la vie du frere du roi est sacree, inviolable,
mais pour racheter sa liberte, votre oncle sacrifia la vie de tous
ses amis les uns apres les autres. Aussi est-il aujourd'hui la
honte de l'histoire et l'execration de cent nobles familles de ce
royaume.
-- Je comprends, monsieur, fit le prince, et c'est par faiblesse
ou par trahison que mon oncle tua ses amis?
-- Par faiblesse: ce qui est toujours une trahison chez les
princes.
-- Ne peut-on pas echouer aussi par ignorance, par incapacite?
Croyez-vous bien qu'il soit possible a un pauvre captif tel que
moi, eleve non seulement loin de la Cour, mais encore loin du
monde, croyez-vous qu'il lui soit possible d'aider ceux de ses
amis qui tenteraient de le servir?
Et comme Aramis allait repondre, le jeune homme s'ecria tout a
coup avec une violence qui decelait la force du sang:
-- Nous parlons ici d'amis, mais par quel hasard aurais-je des
amis, moi que personne ne connait, et qui n'ai pour m'en faire ni
liberte, ni argent, ni puissance?
-- Il me semble que j'ai eu l'honneur de m'offrir a Votre Altesse
Royale.
-- Oh! ne m'appelez pas ainsi, monsieur; c'est une derision ou une
barbarie. Ne me faites pas songer a autre chose qu'aux murs de la
prison qui m'enferme, laissez-moi aimer encore, ou, du moins,
subir mon esclavage et mon obscurite.
-- Monseigneur! monseigneur! si vous me repetez encore ces paroles
decouragees! Si, apres avoir eu la preuve de votre naissance, vous
demeurez pauvre d'esprit, de souffle et de volonte, j'accepterai
votre voeu, je disparaitrai, je renoncerai a servir ce maitre, a
qui, si ardemment, je venais devouer ma vie et mon aide.
-- Monsieur, s'ecria le prince, avant de me dire tout ce que vous
dites, n'eut-il pas mieux valu reflechir que vous m'avez a jamais
brise le coeur?
-- Ainsi ai-je voulu faire, monseigneur.
-- Monsieur, pour me parler de grandeur, de puissance,
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