ons vaines,
il a avance quelques reflexions assez plausibles. Il est bien singulier,
en effet, que tous les biographes de Moliere, a partir de Grimarest,
aient ecrit, sans contradiction, qu'il avait epouse la fille naturelle
de la Bejart, sa premiere maitresse. Montfleury adressa meme a Louis XIV
une denonciation contre l'illustre comique, l'accusant d'avoir epouse la
fille apres avoir vecu avec la mere, et insinuant par la qu'il avait
pu epouser sa propre fille: ce qui, dans tous les cas, serait
invinciblement refutable par les dates. Louis XIV ne repondit a ce
dechainement de la haine qu'en devenant parrain du premier enfant qu'eut
Moliere. Certes, la plus directe justification que Moliere put offrir au
roi en cette circonstance fut l'acte de son mariage et la preuve que les
deux Bejart n'etaient que soeurs. Mais comment tous ceux qui ont ecrit
sur Moliere, comment Grimarest, son principal biographe, qui ecrivait
d'apres Baron, comment les autres contemporains, Marcel auteur presume
d'une premiere Vie abregee, l'auteur inconnu de _la Fameuse Comedienne_,
Bayle, De Vise qui contredit Grimarest sur plusieurs points, ont-ils
ignore cette facon dont Moliere dut repondre? Comment une erreur aussi
forte, sur une relation aussi rapprochee, a-t-elle fait autorite du
temps de Moliere, et meme aupres des personnes qui l'avaient beaucoup
vu et pratique?... Et cependant, malgre la difficulte de l'explication,
c'est bien a l'acte qu'il faut croire.]
Malgre sa passion pour elle et malgre son genie, il n'echappa point au
malheur dont il avait donne de si folatres peintures. Don Garcie etait
moins jaloux que Moliere; Georges Dandin et Sganarelle etaient moins
trompes. A partir de _la Princesse d'Elide_, ou l'infidelite de sa femme
commenca de lui apparaitre, sa vie domestique ne fut plus qu'un long
tourment. Averti des succes qu'on attribuait a M. de Lauzun pres d'elle,
il en vint a une explication. Mademoiselle Moliere, dans cette situation
difficile, lui donna le change sur Lauzun en avouant une inclination
pour M. de Guiche, et s'en tira, dit la chronique, par des larmes et
un evanouissement. Tout meurtri de sa disgrace, notre poete se remit a
aimer mademoiselle de Brie, ou plutot il venait s'entretenir pres d'elle
des injures de l'autre amour; Alceste est ramene a Eliante par les
rebuts de Celimene. Lorsqu'il donna _le Misanthrope_, Moliere, brouille
avec sa femme, ne la voyait plus qu'au theatre, et il est difficile
qu'entre
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