ent plus rares et plus
vagues, puis enfin il repondit a l'une de mes questions par un
ronflement aigu, et j'imitai son exemple.
Le lendemain, quand je communiquai mes plans a Marie, elle en
reconnut la justesse, et consentit a leur execution. Comme le
detachement de Zourine devait quitter la ville le meme jour, et
qu'il n'y avait plus d'hesitation possible, je me separai de Marie
apres l'avoir confiee a Saveliitch, et lui avoir donne une lettre
pour mes parents. Marie Ivanovna me dit adieu toute eploree; je ne
pus rien lui repondre, ne voulant pas m'abandonner aux sentiments
de mon ame devant les gens qui m'entouraient. Je revins chez
Zourine, silencieux et pensif, il voulut m'egayer, j'esperais me
distraire; nous passames bruyamment la journee, et le lendemain
nous nous mimes en marche.
C'etait vers la fin du mois de fevrier. L'hiver, qui avait rendu
les manoeuvres difficiles, touchait a son terme, et nos generaux
s'appretaient a une campagne combinee. Pougatcheff avait rassemble
ses troupes et se trouvait encore sous Orenbourg. A l'approche de
nos forces, les villages revoltes rentraient dans le devoir.
Bientot le prince Galitzine remporta, une victoire complete sur
Pougatcheff, qui s'etait aventure pres de la forteresse de
Talitcheff: le vainqueur debloqua Orenbourg, et il semblait avoir
porte le coup de grace a la rebellion. Sur ces entrefaites,
Zourine avait ete detache contre des Bachkirs revoltes, qui se
disperserent avant que nous eussions pu les apercevoir. Le
printemps, qui fit deborder les rivieres et coupa ainsi les
routes, nous surprit dans un petit village tatar, ou nous nous
consolions de notre inaction par l'idee que cette petite guerre
d'escarmouches avec des brigands allait bientot se terminer.
Mais Pougatcheff n'avait pas ete pris: il reparut bientot dans les
forges de la Siberie[61]. Il rassembla de nouvelles bandes et
recommenca ses brigandages. Nous apprimes bientot la destruction
des forteresses de Siberie, puis la prise de Khasan, puis la
marche audacieuse de l'usurpateur sur Moscou. Zourine recut
l'ordre de passer la Volga.
Je ne m'arreterai pas au recit des evenements de la guerre.
Seulement je dirai que les calamites furent portees au comble. Les
gentilshommes se cachaient dans les bois; l'autorite n'avait plus
de force nulle part; les chefs des detachements isoles punissaient
ou faisaient grace sans rendre compte de leur conduite. Tout ce
vaste et beau pays etait mis a feu et a san
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